📚 TABLE DES MATIÈRES

  1. Une satire burlesque

Le chapitre XVIII de Gargantua illustre parfaitement la veine satirique de François Rabelais. Il s’agit d’une critique ouverte des institutions académiques et religieuses de son époque, représentées ici par la figure grotesque de Maître Janotus de Bragmardo. Ce personnage est introduit dès le début avec une description à la fois détaillée et caricaturale : chauve « à la mode de César » et vêtu d’un « capuchon à l’antique ». Ces détails montrent un homme figé dans des traditions dépassées, symbole de l’immobilisme des clercs et des théologiens de la Sorbonne. L’ironie se poursuit avec la mention de son estomac « immunisé par du cotignac de four et de l’eau bénite de cave », une image moqueuse de son indulgence pour les plaisirs matériels.

Les accompagnateurs de Janotus, décrits comme crottés et ignares, accentuent le ridicule de cette procession. Le contraste entre leur apparence grotesque et la gravité supposée de leur mission – récupérer les cloches – renforce l’effet comique et souligne l’incongruité de la situation. Rabelais tourne ainsi en dérision la prétendue supériorité intellectuelle de ces figures religieuses et académiques.

Ponocrates, le précepteur de Gargantua, prend d’abord cette troupe pour une mascarade, révélant l’aspect burlesque de la scène. Mais lorsque Gargantua est informé de la raison de leur venue, il ne réagit pas impulsivement. Au contraire, il adopte une attitude réfléchie et rationnelle, typique des idéaux humanistes. Il consulte ses proches pour élaborer une stratégie, qui consiste à accueillir les envoyés de manière rustique et à restituer les cloches avant même que Janotus ne présente sa requête. Ce plan, bien qu’amusant, est aussi un acte de mépris calculé : il prive Janotus de toute possibilité de se glorifier d’un succès qu’il aurait attribué à son éloquence.

Le véritable clou de ce chapitre réside dans la harangue de Janotus, attendue avec une ironie évidente. Ce discours, parodique dans son intention et ridicule dans son exécution, représente les sophismes vides des théologiens scolastiques. Rabelais utilise cet épisode pour critiquer la vacuité de ces débats académiques qui privilégient la forme au détriment du fond, une critique récurrente chez l’auteur. Par cette mise en scène, Rabelais pointe l’écart entre l’idéal humaniste, incarné par Gargantua et son entourage, et l’obscurantisme des figures religieuses.


Une satire burlesque

Le chapitre XVIII dépasse largement le cadre d’un simple épisode comique. Il s’inscrit dans une critique plus large des institutions de l’époque de Rabelais, qu’il juge archaïques et inadaptées aux idéaux de la Renaissance. À travers la figure de Janotus, il ridiculise les clercs, les religieux et les universitaires attachés à des traditions dépassées, incapables de comprendre les besoins du présent. La restitution des cloches, réalisée avant même que Janotus ne puisse plaider sa cause, symbolise cette opposition entre action efficace et discours stérile. Cette démarche reflète la vision humaniste de Rabelais : la raison et le savoir pratique doivent primer sur les dogmes et les conventions.

Enfin, la satire de ce chapitre ne s’adresse pas uniquement aux institutions ; elle vise aussi l’orgueil humain. Janotus incarne l’aveuglement de ceux qui s’accrochent à des privilèges et des statuts symboliques sans en comprendre l’absurdité. À l’inverse, Gargantua, par son calme et sa réflexion, apparaît comme une figure de sagesse et de progrès. Le chapitre XVIII, par son humour et son intelligence, illustre parfaitement l’esprit de Rabelais : un mélange de comique bouffon et de critique sociale, destiné à faire réfléchir tout en divertissant.

Cette leçon intemporelle sur l’importance du progrès et de l’éducation résonne encore aujourd’hui, confirmant le génie de Rabelais en tant qu’écrivain et penseur. Le rire qu’il provoque n’est jamais gratuit : il est toujours porteur d’une réflexion sur les travers de la société et sur les moyens de les dépasser.


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