Il m’arrive de faire des promenades matinales quand la dernière fraîcheur de l’air annonce la chaleur à venir, quand le soleil n’a pas encore incendié ces malheureuses touffes d’herbes jaunies, et quand les seules personnes que je croise sont ces mémés asthmatiques qui se font promener par des chiens blancs, toujours trop petits, toujours pareils.

Mais ne vous y méprenez pas, cette routine de vacancier — ou de vieillard, à vous de trancher — est avant tout un sport moteur de précision ! Il faut savoir sortir sur la piste des sentiers balisés au bon moment, ni trop tôt dans la pénombre, ni trop tard parmi la foule. Prendre de la vitesse, la calvitie fouettée par le vent. Effleurer les trottoirs du bout de la semelle et rétrograder à l’approche d’étrons ralentisseurs. Arrive enfin la périlleuse succession de trois virages sous forme de boîtes à livres. La première ne contient que des classiques à moitié déchirés, bof. La deuxième? Du Danielle Steel, pas mieux. La troisième, enfin, contient un petit OVNI livresque au dessin pour le moins interpellant. Je prend! Direction la ligne d’arrivée avec cet ouvrage irrévérencieux dénommé Les coquins de Marion Fayolle (1)

Un coup de pinceau symbolique

Qu’il est difficile de rester de marbre devant cette première de couverture où un homme au sexe d’escargot fait face à une femme arborant … sa généreuse salade. Non vous ne rêvez pas ! Que peut-il se cacher derrière ce coup de pinceau à l’allure enfantine mais chargé d’une symbolique limpide ? 

En faisant l’économie des mots, la dessinatrice donne les pleins pouvoirs à notre force évocatrice. Il ne faut pas une fraction de seconde pour que notre cerveau comprennent que les personnages ne sont autres que nous-même rejouant une comédie qui perdure depuis la nuit des temps avec nos désirs, nos peurs, nos attentes et nos déterminismes. Les corps sont ici une matière à modeler qui permettent d’illustrer les relations de femmes et d’hommes de manière originale et percutante. A l’heure où nous sommes abreuvés — et donc habitués — d’images de corps hypersexualisés, ces dessins sortent du lot.

Des corps et des questions

Les coquins évitent intelligemment l’écueil de la pornographie en désincarnant les personnages. Il suffit de prêter attention à la plastique corporelle dans chacune des illustrations pour se rendre compte que l’essentiel ne se situe pas dans la beauté esthétique mais dans le message véhiculé que chacun interprétera avec son propre vécu: comment un homme regarde une femme, comment une femme se sent-elle en présence d’un homme, comment un homme perçoit-t-il son corps? Comment une tierce personne chamboule une relation ? Etc.

Les deux sexes sont, au fur et à mesure des pages, mis à équidistance l’un de l’autre. La balance ne semble pas pencher plus en faveur de l’un que de l’autre. Et c’est sans doute cela aussi qui fait la force de ce recueil de dessins. Loin d’être une énième resucée féministe postmoderne qui n’aurait rien à dire si ce n’est s’engouffrer dans un effet de mode qui ne fait pas spécialement avancer la cause des femmes ; la dessinatrice a au moins le mérite de mettre en avant des sujets qui nous concernent toutes et tous, de près ou de loin … et cela sans piper mot. Chapeau l’artiste !

Il ne me reste plus qu’à déposer ce livre dans une des boîtes à livres du quartier lors de mes prochaines pérégrinations matinales. Je suis certain qu’il attirera l’œil de passants curieux ou de mémés en bout de souffle. 😉

A bientôt,

Pour aller plus loin

Une brève Histoire de l’art


(1) FAYOLLE M., Les coquins, Editions Magnagni, 2014


6 réponses à « Les Coquins | Marion Fayolle »

  1. Je l’avais déjà repéré, ce titre !
    Bonne soirée !

    Aimé par 2 personnes

    1. Il a l’art de titille la rétine 😉😉😉

      Aimé par 1 personne

  2. On en fait de belles rencontres dans les boîtes à livres !
    La couverture intrigue, c’est certain, et visiblement le contenu tient ses promesses. C’est bon à savoir.

    Aimé par 1 personne

  3. Oui, une image harmonieuse.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Derniers commentaires

Créez un site ou un blog sur WordPress.com