Vous trouverez ici deux résumés du récit autobiographique de Primo Levi – Si c’est un homme. Il s’agit d’abord d’un résumé court et ensuite d’un résumé découpé par chapitre. Vous trouverez aussi une analyse complète en suivant ce lien.
📄 Résumé court
Décembre 1943. Primo Levi, jeune chimiste juif italien, est capturé par la Milice fasciste. Il n’est qu’un étudiant idéaliste, vaguement résistant, peu préparé aux épreuves qui l’attendent. Arrêté, il avoue son identité juive pour éviter la torture, croyant naïvement que cela le protégera. Erreur tragique. Il est interné, puis embarqué, avec 600 autres juifs italiens, pour une destination inconnue.
Le train qui l’emporte file vers le nord dans un bruit de chaînes. Hommes, femmes, enfants, vieillards sont entassés comme du bétail dans des wagons clos. La soif, le froid, l’angoisse rongent leurs forces avant même l’arrivée. Chacun serre contre lui son dernier morceau d’espoir : un paquet, un regard, un souvenir.
Quand enfin les portes s’ouvrent, c’est Auschwitz qui les accueille. Sous les projecteurs glacés, commence la sélection. D’un simple geste, sans un mot, les SS trient les nouveaux arrivants. Ceux capables de travailler d’un côté. Les autres — femmes, enfants, vieillards — disparaissent dans la nuit, engloutis par la machine de mort. Levi, jeune et encore robuste, échappe, pour l’instant, à la sentence immédiate.
Ceux qui restent sont précipités dans une autre dimension. Leur premier acte d’entrée au camp est de se dépouiller de tout ce qui faisait d’eux des hommes : vêtements, cheveux, noms. Tatoué sur le bras, 174 517 n’est plus Levi, mais un numéro, une pièce parmi d’autres.
Commence alors l’apprentissage brutal du Lager, monde inversé où les repères du bien et du mal s’effacent. Ici, voler une miette de pain n’est pas une faute : c’est une question de survie. Ici, ne pas deviner les ordres non exprimés peut valoir un coup ou la mort. Ici, parler d’honneur est une absurdité cruelle.
Chaque journée se déroule comme une parodie sinistre de la vie ordinaire. Les réveils glacés, l’appel interminable sur la place, les longues marches vers la Buna — l’usine de caoutchouc où l’on s’use jusqu’à l’os —, les coups pour ceux qui ne marchent pas assez vite, pas assez droit. L’épuisement est un crime puni sans procès.
Levi décrit avec minutie cette mécanique de la déshumanisation : la lutte quotidienne pour une meilleure ration de soupe, le troc sordide d’un bout de ficelle, d’une cuillère, d’une paire de sabots un peu moins troués. Ceux qui acceptent de se salir les mains, de marcher sur les autres, de trahir parfois, ont plus de chances de survivre. Mais à quel prix ?
Dans ce monde de boue, de froid et de sueur, quelques rares éclats d’humanité persistent. Ils ne brillent pas : ils vacillent. Dans une scène inoubliable, Levi, lors d’une pause au travail, tente de réciter à son camarade Pikolo un passage de l’Odyssée. Ces vers évoquant Ulysse, qui brave la mer pour rentrer chez lui, deviennent un acte de résistance, une tentative presque désespérée de maintenir un lien avec la culture, la mémoire, la beauté.
Les saisons passent. L’hiver est un assassin sans pitié : il raidit les membres, fige les plaies, accélère la mort. L’été apporte son cortège d’épidémies, de sélection brutale. À chaque inspection médicale, des groupes entiers sont jugés « inutiles » et envoyés, sans retour, vers les crématoires.
Au fil des mois, la hiérarchie entre détenus se durcit. Les Kapos, souvent d’anciens criminels allemands, règnent par la terreur. Ils ont le droit de vie et de mort sur les autres prisonniers. Les anciens du camp, ceux qui ont survécu des années à cette existence impossible, sont devenus méfiants, rudes, parfois impitoyables. La solidarité existe, mais elle est rare, clandestine, fragile comme un fil dans le vent.
Levi, grâce à sa formation de chimiste, parvient à être affecté au « Kommando Chimie », un poste un peu moins pénible. Ce sursis le sauve peut-être. Travailler à l’abri du froid, même au prix de manipulations dangereuses, prolonge ses forces quelques semaines de plus.
À l’automne 1944, alors que les rumeurs d’une défaite allemande se répandent, la violence dans le camp s’intensifie. Les nazis cherchent à effacer les traces de leurs crimes. Sélections, exécutions, déplacements forcés redoublent. La peur devient permanente, chaque matin peut être le dernier.
Le 18 janvier 1945, l’évacuation d’Auschwitz commence. Les SS, pris de panique, entraînent les prisonniers valides dans des marches de la mort. Ceux, comme Levi, trop faibles ou malades, sont abandonnés. Sans médicaments, sans nourriture, les survivants se terrent dans les ruines du camp, entre les cadavres gelés.
Dans ce chaos, un miracle d’organisation naît. Quelques hommes valides, par solidarité pure, prennent soin des autres. Levi participe à cette survie collective : chercher de la nourriture dans les magasins abandonnés, maintenir un peu d’hygiène, lutter contre l’épidémie de typhus qui fauche sans pitié.
La libération par les troupes soviétiques, dix jours plus tard, n’a rien d’un triomphe. C’est un lent réveil, hésitant, douloureux. Les survivants peinent à croire qu’ils sont encore en vie. Ils ne retrouvent pas la liberté : ils redécouvrent d’abord l’abandon, la faim, la solitude.
À travers ce récit, Primo Levi ne cherche pas à émouvoir par l’excès. Il refuse les pleurs faciles. Il ne peint pas Auschwitz comme un simple enfer peuplé de monstres : il montre un lieu construit par des hommes ordinaires, où des victimes deviennent bourreaux, où l’instinct écrase la pensée.
Son regard est à la fois implacable et empreint d’une infinie tristesse. Loin de dresser un réquisitoire, il propose une méditation profonde sur la nature humaine. Comment l’homme peut-il rester un homme quand tout conspire à sa destruction ? Quelle part de dignité peut subsister quand il ne reste que la faim, le froid, la peur ?
Levi ne se pose pas en héros. Il se montre fragile, faillible, parfois égoïste. Il admet sa terreur, son instinct de survie, son soulagement honteux quand d’autres meurent à sa place. C’est cette sincérité brute, sans fard, qui donne à son témoignage une force incomparable.
À la fin du livre, une vérité essentielle émerge : si l’homme peut tomber si bas, c’est qu’il n’existe pas de frontière naturelle entre le civilisé et le barbare. La civilisation est un vernis fragile, que la peur, la haine, l’ignorance peuvent craqueler en quelques mois.
Levi laisse une consigne claire : ne jamais oublier. Graver dans nos cœurs cette histoire terrible, non par goût du passé, mais parce que les germes du mal sont toujours là, endormis, prêts à renaître. Comprendre Auschwitz, ce n’est pas contempler un passé révolu, c’est reconnaître en soi-même les signes précurseurs de l’inhumanité.
📕 Résumé par chapitre
Si c’est un homme
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c’est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu’à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N’oubliez pas que cela fut,
Non, ne l’oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s’écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
Le Voyage
Primo Levi, jeune juif italien, est arrêté en décembre 1943 et interné au camp de Fossoli. Peu après, une rumeur dévastatrice se répand : ils seront tous déportés. La nuit avant le départ, les familles, en larmes, préparent des baluchons dérisoires. Au matin, la stupeur étreint chacun tandis qu’on les entasse dans des wagons à bestiaux. Le voyage est lent, glacé, étouffant. La soif ronge les corps, la peur ronge les âmes. Dans cette attente interminable, la faim et les blessures deviennent secondaires. Aux arrêts, les cris d’appel restent vains, et la neige hostile enveloppe leur désespoir. Traversant l’Autriche puis la Tchécoslovaquie, ils entrent en Pologne. Chaque secousse du train résonne comme un glas. Quand enfin le convoi stoppe, la nuit est profonde. Des projecteurs, des chiens, des ordres hurlés accueillent les survivants. Un tri brutal commence. Et la descente vers l’abîme s’amorce.
Le Fond
À peine descendus, les prisonniers sont dépouillés : vêtements, cheveux, dignité. Sous les cris secs des kapos, ils entrent nus dans une douche glaciale. Ils sont réduits à des ombres obéissantes. Le tatouage d’un numéro sur l’avant-bras consacre leur effacement d’hommes. Leur ancienne vie s’efface, comme balayée par une marée noire. La faim dévore, le froid tord les corps, la peur cloue les esprits. L’absurde gouverne tout : « Hier ist kein warum », ici il n’y a pas de pourquoi. Les premiers jours, l’instinct balbutie encore. Mais vite, chacun comprend : survivre exige d’oublier le passé, les principes, la tendresse. Un glaçon volé devient une question de vie ou de mort. Le Lager n’est pas seulement un lieu, c’est une mue terrible : devenir un numéro sans nom, sans histoire, sans futur.
Initiation
Rapidement, Levi découvre l’univers brutal du camp : comprendre sans poser de questions, agir sans réfléchir. Chaque geste peut coûter cher ; chaque hésitation, pire encore. Les anciens savent comment économiser leurs forces, user d’astuces minuscules pour survivre. Les nouveaux, eux, s’épuisent, trébuchent, et disparaissent. La nourriture est insuffisante et immangeable, mais il faut s’en contenter. Le vol devient monnaie courante, nécessaire pour durer. Le froid pénètre jusque dans les os, malgré les haillons distribués. La fatigue est omniprésente ; dormir devient un luxe, mais mal dormir est un risque vital. Levi, observateur lucide, comprend qu’il doit étouffer toute émotion. S’étonner, c’est mourir. Se lamenter, c’est mourir. Même penser trop fort, c’est s’affaiblir. L’apprentissage est cruel, mais indispensable. Bientôt, il ne reste que deux mots : tenir, attendre.
K.B.
Levi est envoyé au K.B., l’infirmerie du camp. En apparence, un répit ; en réalité, un lieu mortifère. Les malades sont entassés, indifférents, sans soin véritable. Seuls les moins faibles survivront à l’épreuve. Ici aussi, il faut lutter : obtenir une couche, préserver ses maigres rations, éviter de tomber dans la torpeur. Le froid et la fièvre ravagent les corps épuisés. Certains hurlent, d’autres murmurent des prières sans espoir. Levi observe cette humanité réduite à l’essentiel : boire, respirer, endurer. Il comprend que s’attacher aux autres, dans cet univers, est un danger. Pourtant, malgré lui, des élans de compassion subsistent, fragiles, interdits. Chaque jour passé au K.B. est un sursis précaire, une victoire minuscule contre la mort qui rôde.
Nos nuits
La nuit, la souffrance prend un autre visage. Le froid mortel s’infiltre par les murs poreux. Les hommes, serrés, tremblent sous de maigres couvertures. L’insomnie, la peur, la faim empêchent tout repos véritable. Dans le silence lourd, surgissent parfois des sanglots étouffés, des cauchemars criés. Les rêves, quand ils viennent, sont peuplés de nourriture abondante, de familles retrouvées, d’eau pure. Mais au réveil, la faim, le froid, l’humiliation frappent plus fort encore. Levi, lucide, note que la nuit abolit toutes les barrières : les forts pleurent, les faibles murmurent des prières oubliées. Pourtant, même dans cet abîme, un instinct farouche pousse à survivre. La nuit enseigne que, même sans espoir, il faut s’accrocher aux moindres miettes de vie.
Le travail
Travailler à la Buna signifie lutter contre l’épuisement, l’absurdité, la brutalité. Les tâches sont harassantes, souvent inutiles : creuser, porter, traîner des charges démesurées. Chaque ordre est un couperet ; chaque retard, une menace. Les contremaîtres, souvent d’anciens détenus eux-mêmes, frappent pour un regard trop lent, un geste maladroit. L’hostilité de la nature – pluie, neige, gel – achève d’éreinter les corps. Les prisonniers sont des outils jetables. Pourtant, paradoxalement, travailler garantit parfois une survie un peu plus longue : obtenir une soupe supplémentaire, éviter l’oisiveté dangereuse. Levi apprend à doser ses forces, à se rendre invisible, à déjouer la bêtise brutale. Dans ce chaos absurde, il découvre que l’homme peut s’habituer à tout, même à la torture quotidienne.
Une bonne journée
Par miracle, une journée suspend le cours de l’horreur. Le soleil perce le ciel gris d’Auschwitz. La soupe du midi est un peu moins insipide. Les kapos, étrangement, crient moins, frappent moins. Dans l’air, flotte une étrange douceur, fragile, irréelle. Levi ressent avec acuité ce que signifie vivre : sentir la chaleur du soleil sur la peau, respirer sans peur immédiate, marcher sans recevoir de coups. Il savoure chaque bouchée de pain comme un trésor inestimable. Ses compagnons, eux aussi, retrouvent des gestes oubliés : sourire, plaisanter doucement, partager un quignon. Ce jour exceptionnel devient une parenthèse lumineuse dans la nuit sans fin. Levi sait qu’il est éphémère, mais il s’y abandonne avec une gratitude pure, presque enfantine.
En deçà du bien et du mal
Dans le Lager, les repères moraux se dissolvent. Le vol, la trahison, la bassesse ne sont plus des fautes, mais des outils de survie. Levi observe cette dégradation avec effroi et lucidité. Même les plus nobles doivent ruser, mentir, parfois voler pour tenir. À l’inverse, quelques âmes rares continuent d’agir avec dignité, refusant l’avilissement total. Mais elles sont minoritaires, presque des martyrs. Levi comprend que la frontière entre bien et mal est mouvante ici : ce qui sauve aujourd’hui condamne demain. L’homme devient méconnaissable, même à ses propres yeux. Dans cet enfer, rester humain n’est pas naturel : c’est un choix difficile, un combat intime contre l’oubli de soi.
Les élus et les damnés
Le camp établit sa propre hiérarchie : d’un côté les élus, ceux qui accèdent à des postes moins durs, mieux nourris ; de l’autre, la masse des damnés voués à l’épuisement et à la mort. Levi observe avec amertume cette société pervertie. Les élus ne doivent leur place ni au mérite ni à la bonté, mais souvent à la chance, à l’astuce ou à l’acceptation tacite de l’injustice. Parmi eux, certains conservent une forme de compassion ; d’autres s’endurcissent jusqu’à devenir bourreaux. Cette stratification creuse un fossé insurmontable entre les prisonniers. La solidarité s’effrite, remplacée par la méfiance, l’envie, l’indifférence. Même ceux qui voudraient aider doivent d’abord se protéger eux-mêmes. Levi montre que dans cet enfer, la souffrance n’unit pas toujours ; elle isole, elle broie.
Examen de chimie
Un jour, une rumeur donne de l’espoir : des ouvriers spécialisés sont recherchés. Levi, chimiste avant la guerre, tente sa chance. Il se prépare avec acharnement, sachant que réussir cet examen pourrait lui sauver la vie. Le jour venu, il entre, tremblant, dans un bureau où un ingénieur allemand l’interroge. L’entretien est absurde, surréaliste : entre deux questions de chimie, la mort plane, silencieuse. Levi s’efforce de rester calme, de répondre avec précision malgré la fatigue, la peur, la faim. Chaque mot peut être fatal. Finalement, contre toute attente, il est accepté. Ce succès fragile lui offre une bouffée d’air : travailler au chaud, éviter certaines sélections. Dans le Lager, un diplôme devient un talisman dérisoire contre l’oubli total.
Le chant d’Ulysse
Par un rare moment d’accalmie, Levi se retrouve seul avec un compagnon italien, Jean. Ils discutent, se remémorent leur vie d’avant, échangent des bribes de culture. Levi tente alors de réciter quelques vers de L’Odyssée, ceux où Ulysse tente de convaincre les siens de résister au chant des sirènes. Les mots lui viennent difficilement, écharpés par la faim, par l’oubli. Pourtant, dans cet instant suspendu, une bouffée d’humanité éclaire leur misère. L’épopée d’Ulysse, sa lutte contre l’oubli, résonne étrangement avec leur propre situation. Levi ressent à quel point la mémoire, l’art, la culture sont des forces vitales contre la déshumanisation. Enseigner un poème devient ici un acte de résistance silencieuse.
Les événements de l’été
L’été apporte des épreuves différentes : chaleur étouffante, épidémies, soif insatiable. Levi décrit l’affaissement général : les corps brûlés par le soleil, les esprits laminés par la lassitude. Les sélections continuent, implacables, dépeuplant le camp avec une froideur mécanique. Dans cette atmosphère suffocante, les rumeurs circulent : les Alliés approcheraient, la fin serait proche. Mais l’espoir est un poison lent ; il affaiblit autant qu’il soutient. Chaque jour ressemble au précédent : douleur, travail, peur. Pourtant, au creux de cet enfer, Levi note quelques éclats de vie : une parole réconfortante, un geste d’entraide, un regard de défi silencieux face à la mort omniprésente.
Octobre 1944
À l’automne, le camp est secoué par de grandes sélections. Le froid revient, mordant, et les SS trient les prisonniers avec une brutalité redoublée. Levi raconte l’angoisse insoutenable qui précède l’appel : les regards, les corps tendus, les prières muettes. Chaque pas devant le médecin SS est un défi lancé au destin. Cette fois, Levi est miraculeusement épargné, mais d’autres, nombreux, disparaissent. Il décrit avec pudeur l’absence de deuil, remplacée par une lassitude infinie. Le camp est devenu une machine parfaite : elle broie, trie, rejette, sans colère, sans passion. Seuls subsistent l’instinct de durer, la peur du lendemain, la volonté nue de continuer malgré tout.
Kraus
Levi dresse le portrait de Kraus, un jeune Autrichien fruste, presque enfantin. Peu armé pour le Lager, il travaille maladroitement, s’épuise vite, attire les coups. Sa naïveté, sa gentillesse désarmée tranchent dans cet univers brutal. Levi, bien que lui-même en danger, tente de le conseiller, de l’aider à doser ses forces. Mais Kraus est incapable de cette ruse nécessaire. Son destin tragique illustre la cruauté du système : ici, la bonté est un fardeau, une faute presque. Dans cet écosystème de violence et d’épuisement, survivre demande non pas la vertu, mais la dureté, la méfiance, l’économie cruelle de soi-même. Kraus incarne la beauté inutile, sacrifiée.
Die drei Leute vom Labor
Affecté au laboratoire de chimie, Levi rencontre trois autres travailleurs : Alex, Arthur, Charles. Ce petit monde semble moins inhumain : les journées sont plus supportables, les coups plus rares, la chaleur supportable. Avec ces compagnons, Levi partage des bribes de conversation, des regards complices, parfois même un éclat de rire discret. Mais la prudence reste de mise : chaque mot malheureux, chaque erreur peut encore entraîner la mort. Le laboratoire est une parenthèse fragile, suspendue au-dessus du gouffre. À travers ce microcosme, Levi mesure à quel point la moindre parcelle d’humanité, même infime, peut sauver une âme de la dissolution totale dans la barbarie environnante.
Le dernier
L’hiver s’abat sur Auschwitz avec une brutalité implacable. Le froid intense, les rations encore diminuées, la fatigue extrême rendent la survie presque illusoire. Levi décrit la déchéance finale : les corps faméliques s’effondrent, les regards s’éteignent. Le bruit des canons russes se rapproche, et avec lui une angoisse nouvelle : quelle sera la réaction des SS ? Exécuter les prisonniers ? Fuir ? Le travail à la Buna continue, absurde, mécanique. La mort rôde partout, silencieuse. Levi assiste à la déshumanisation totale : il n’y a plus de colère, plus de plaintes, seulement un silence hébété. Le Lager ressemble à une ruche morte. L’instinct de survie persiste, mais réduit à une étincelle vacillante. L’attente est une souffrance aussi terrible que les privations physiques.
Histoire de dix jours
Les SS abandonnent précipitamment le camp en janvier 1945, emportant avec eux ceux capables de marcher. Les malades, dont Levi, restent livrés à eux-mêmes. Commence alors une survie désespérée : faim, froid, maladie, chaos. Dans ce vide, une fraternité renaît timidement : ceux qui peuvent encore se lever partagent leurs forces, cherchent de la nourriture, veillent sur les plus faibles. Levi, avec quelques compagnons, organise un semblant d’hôpital de fortune. Chaque jour est une lutte contre la gangrène, la fièvre, l’abandon. Enfin, après dix jours d’agonie suspendue, les premiers soldats russes apparaissent. Ils avancent, indifférents, hagards, découvrant l’ampleur de l’horreur sans comprendre. Les survivants n’accueillent pas leur libération par des cris, mais par un silence lourd d’épuisement et d’incrédulité.

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