Vous trouverez ici le résumé du premier roman de Gaël Faye : Petit Pays.


Gabriel, dix ans, vit une enfance heureuse dans une impasse résidentielle de Bujumbura, la capitale du Burundi, au début des années 1990. Fils de Michel, un expatrié français, et d’Yvonne, une Rwandaise tutsi réfugiée depuis 1963, il joue librement avec sa petite sœur Ana et ses copains Gino, Armand, les jumeaux et Francis, loin des tensions ethniques qui commencent à couver au loin. Michel aime la vie confortable qu’il s’est bâtie en Afrique, tandis qu’Yvonne, marquée par l’exil, rêve d’un avenir plus sûr en Europe. 

Un jour, au retour d’un déjeuner familial sur les rives du lac Tanganyika, une violente dispute éclate dans le couple. Yvonne reproche à Michel de ne pas comprendre ses peurs ni son sentiment permanent d’être étrangère au Burundi. Elle affirme que son vrai pays est le Rwanda et qu’elle ne supporte plus leur vie d’expatriés privilégiés. La colère monte et, le soir même, Yvonne quitte brutalement le domicile conjugal en hurlant sa détresse, laissant Michel et les enfants seuls. 

Gabriel voit sa famille voler en éclats. Pour les fêtes de Noël qui suivent, les enfants sont partagés : Ana accompagne sa mère au Rwanda (où Yvonne n’était jamais retournée depuis son exil), tandis que Gabriel reste avec son père. Michel tente de compenser l’absence maternelle en gâtant son fils : il lui offre un beau vélo rouge à Noël et l’emmène en excursion dans la forêt de la Kibira au Nouvel An. Ces instants de complicité père-fils, au milieu de l’hiver tropical, laissent à Gabriel des souvenirs précieux. 

Après les fêtes, Yvonne et Ana reviennent à Bujumbura et la vie quotidienne reprend tant bien que mal. Gabriel continue de fréquenter l’école française de la capitale. Il correspond avec une élève française de son âge, Laure, dans le cadre d’un échange scolaire. Cette amitié épistolaire naissante apporte à Gabriel un lien rassurant avec l’extérieur. Il confie à Laure des anecdotes sur sa vie, allant jusqu’à lui demander de l’appeler par son surnom « Gaby » pour s’approprier son identité. 

Malgré l’instabilité politique grandissante, Gabriel demeure un enfant espiègle. Mais peu à peu, l’orage approche. En octobre 1993, un coup d’État militaire assassine le nouveau président élu, Melchior Ndadaye, et plonge le pays dans le chaos. Des massacres éclatent entre Hutus et Tutsis. À Bujumbura, Michel barricade la maison et impose à sa famille de rester cloîtrée pendant le couvre-feu. Yvonne, installée chez une amie depuis la séparation, appelle chaque jour pour prendre des nouvelles. 

Les semaines passent. Gabriel retourne à l’école, mais l’atmosphère n’est plus la même : ses camarades sont gagnés par la fièvre de la guerre. Gino et Armand, d’ordinaire si joyeux, parlent sans cesse d’armes et de vengeance. Francis, d’origine zaïroise, se vante d’être un Tutsi « Banyamulenge » prêt à en découdre. Gabriel, lui, refuse de prendre parti. Dégoûté par ces disputes, il s’éloigne un temps de la bande et trouve refuge dans les livres. Mme Economopoulos, la voisine grecque, l’accueille dans son salon rempli d’ouvrages et lui fait découvrir la lecture pour s’évader du réel. Le soir, Gabriel dévore en secret les romans qu’elle lui prête, à la lueur d’une lampe torche. 

Au début de 1994, la situation semble un peu apaisée, mais la tragédie frappe à nouveau en avril. Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais (et celui du Burundi) est abattu au-dessus de Kigali : c’est l’étincelle qui embrase le Rwanda et déclenche le génocide des Tutsis. Au matin du 7 avril, Yvonne, affolée, accourt réveiller Gabriel et Ana chez Michel. Elle vient d’apprendre la nouvelle et tente frénétiquement de joindre sa famille restée à Kigali. Un appel de sa sœur Eusébie les informe de l’horreur en cours : les milices hutu extrémistes dressent des barrages et massacrent les Tutsis dans toute la ville. Terrée chez elle avec ses quatre enfants, tante Eusébie raconte qu’ils ont vu leurs voisins se faire tuer au petit matin et qu’ils entendent des tirs tout autour. En larmes, elle fait ses adieux à Yvonne, persuadée de ne pas survivre au carnage. La ligne se coupe, laissant Yvonne anéantie. 

Les jours suivants, les parents de Gabriel tentent l’impossible pour sauver leurs proches rwandais. Michel appelle les ambassades et les forces internationales, sans succès. On leur répond qu’on évacue uniquement les Occidentaux. Yvonne, impuissante, passe ses nuits au téléphone à composer en boucle les numéros de sa famille qui sonnent dans le vide. Rongée par l’angoisse et le chagrin, elle cesse de manger et de dormir. 

Bientôt, la violence frappe directement leur foyer : des miliciens armés font irruption chez eux, brutalisent la famille en les traitant de traîtres, puis repartent en les laissant tremblants. Dans son délire de douleur, Yvonne en vient même à accuser ses propres enfants d’avoir survécu alors que le reste de la famille était massacré, ce qui bouleverse Gabriel et Ana. 

Désormais, la violence fait partie du quotidien. Chaque nuit, des coups de feu et des explosions retentissent dans Bujumbura, illuminant le ciel de lueurs rougeâtres. Gabriel s’habitue même à observer les balles traçantes depuis sa fenêtre, comme d’autres auraient regardé des étoiles filantes. Son enfance s’efface dans la peur et l’incompréhension. 

Malgré lui, Gabriel finit par être happé par la spirale de la haine. Gino et Armand, ivres de vengeance après la mort de leurs proches, l’entraînent hors de l’impasse avec Francis. Ils rejoignent un groupe de jeunes miliciens tutsis. Le chef, un certain Clapton, les conduit en taxi jusqu’à un lieu isolé au bord d’une rivière. Là, la bande détient un homme hutu ligoté, accusé d’avoir participé à l’assassinat du père d’Armand. Sous les yeux terrorisés de Gabriel, les jeunes commencent à lyncher le prisonnier. Gino et Francis, furieux, le rouent de coups, tandis qu’Armand reste tétanisé. Soudain, un motard arrive : c’est le chef de ces miliciens, et Gabriel reconnaît avec stupeur Innocent, leur ancien employé de maison. Devenu chef d’un gang baptisé les « Sans-Défaite », Innocent est surpris mais heureux de voir Gabriel « parmi eux ». 

Innocent veut pousser Armand à venger son père. Il lui tend son briquet et ordonne d’incendier le taxi où gît le bourreau supposé. Armand, horrifié, recule en refusant. Clapton décide alors de tester la loyauté du « petit Français » : ce sera à Gabriel d’accomplir le forfait. Sous la menace, Innocent glisse le briquet allumé dans la main tremblante de Gabriel et promet d’aller tuer Michel et Ana s’il n’obéit pas. En pleurs, terrorisé, Gabriel finit par jeter le briquet dans la voiture. Le véhicule s’embrase aussitôt dans une explosion, et les hurlements du captif agonisant déchirent la nuit. Gino et Francis félicitent Gabriel, mais celui-ci vomit de dégoût de lui-même. Armand s’effondre, éclatant en sanglots. La bande s’éclipse, laissant les deux amis seuls devant la carcasse fumante. Gabriel vient de franchir l’irréparable. 

Après cette nuit d’horreur, Michel comprend qu’il faut fuir sans tarder. Profitant de leur passeport français, il fait évacuer Gabriel et Ana vers la France. Yvonne, trop brisée, refuse de partir et reste sur place, murée dans sa folie douloureuse. Quelques jours après le départ de ses enfants, Michel tombe lui-même dans une embuscade et est tué sur une route du Burundi. Orphelins de père, Gabriel et sa sœur sont recueillis par de la famille en France. Ana, traumatisée, refusera plus tard d’entendre parler du Burundi, tandis que Gabriel s’enferme longtemps dans le silence. 

Bouleversé, Gabriel tente d’exorciser son chagrin avant son départ en écrivant à Laure une lettre onirique où il imagine qu’une neige immaculée recouvre Bujumbura et efface toutes les violences, comme si la paix et l’innocence pouvaient renaître. 

Vingt ans plus tard, Gabriel retourne pour la première fois au Burundi. L’impasse de son enfance est méconnaissable : les manguiers ont été rasés et remplacés par des murs surmontés de tessons de verre. Seul Armand y vit encore, devenu un homme d’affaires aux tempes grisonnantes. Autour d’une bière au petit cabaret local, les deux amis évoquent leurs souvenirs et ce qu’ils sont devenus. Armand résume les quinze années de guerre civile qui ont ravagé le pays après le départ de Gabriel, puis l’accalmie et les espoirs de paix retrouvée. Il prend aussi des nouvelles : Gino et les jumeaux se sont dispersés en Europe, Francis est pasteur. Gabriel confie qu’Ana, encore brisée, ne veut plus jamais entendre parler du Burundi. 

Soudain, la voix d’une femme âgée qui chantonne dans l’ombre attire l’attention de Gabriel. Armand lui avoue qu’il s’agit de sa mère Yvonne, qui vient là tous les soirs depuis des années. Gabriel approche et découvre, recroquevillée au sol dans un coin, une vieille femme méconnaissable buvant à la paille. Le visage ravagé d’Yvonne se tourne vers lui à la lumière de son briquet ; elle effleure sa joue et murmure : « C’est toi, Christian ? », sans le reconnaître. 

Gabriel retient ses larmes. Bouleversé mais résolu, il décide de rester au Burundi pour s’occuper d’elle et l’accompagner dans sa détresse. Le jour se lève sur Bujumbura tandis qu’il veille sa mère brisée. Il ignore comment cette histoire finira, mais il se souvient parfaitement de la façon dont tout a commencé.

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