📚 TABLE DES MATIÈRES
- La lettre
- L’écriture comme passage entre deux mondes
- La nostalgie des quipus et l’apprentissage de l’alphabet
- Le spectacle théâtral
- L’art du contraste et l’éloge du naturel péruvien
- L’écriture comme nécessité existentielle
- Analyse linéaire de la lettre 16
- La modernité littéraire de Graffigny
La lettre
Il me reste si peu de Quipos, mon cher Aza, qu’à peine j’ose en faire usage. Quand je veux les nouer, la crainte de les voir finir m’arrête, comme si en les épargnant je pouvois les multiplier. Je vais perdre le plaisir de mon ame, le soûtien de ma vie, rien ne soulagera le poids de ton absence, j’en serai accablée.
Je goûtois une volupté délicate à conserver le souvenir des plus secrets mouvemens de mon cœur pour t’en offrir l’hommage. Je voulois conserver la mémoire des principaux usages de cette nation singuliere pour amuser ton loisir dans des jours plus heureux. Hélas ! il me reste bien peu d’espérance de pouvoir éxécuter mes projets.
Si je trouve à présent tant de difficultés à mettre de l’ordre dans mes idées, comment pourrai-je dans la suite me les rappeller sans un secours étranger ? On m’en offre un, il est vrai, mais l’éxécution en est si difficile, que je la crois impossible.
Le Cacique m’a amené un Sauvage de cette Contrée qui vient tous les jours me donner des leçons de sa langue, & de la méthode de donner une sorte d’éxistence aux pensées. Cela se fait en traçant avec une plume des petites figures que l’on appelle Lettres, sur une matiere blanche & mince que l’on nomme papier ; ces figures ont des noms, ces noms mêlés ensemble représentent les sons des paroles ; mais ces noms & ces sons me paroissent si peu distincts les uns des autres, que si je réussis un jour à les entendre, je suis bien assurée que ce ne sera pas sans beaucoup de peines. Ce pauvre Sauvage s’en donne d’incroiables pour m’instruire, je m’en donne bien davantage pour apprendre ; cependant je fais si peu de progrès que je renoncerois à l’entreprise, si je savois qu’une autre voye pût m’éclaircir de ton sort & du mien.
Il n’en est point, mon cher Aza ! aussi ne trouvai je plus de plaisir que dans cette nouvelle & singulière étude. Je voudrois vivre seule : tout ce que je vois me déplaît, & la nécessité que l’on m’impose d’être toujours dans la chambre de Madame me devient un supplice.
Dans les commencemens, en excitant la curiosité des autres, j’amusois la mienne ; mais quand on ne peut faire usage que des yeux, ils sont bientôt satisfaits. Toutes les femmes se ressemblent, elles ont toujours les mêmes manières, & je crois qu’elles disent toujours les mêmes choses. Les apparences sont plus variées dans les hommes. Quelques-uns ont l’air de penser ; mais en général je soupçonne cette nation de n’être point telle qu’elle paroît ; l’affectation me paroît son caractère dominant.
Si les démonstrations de zèle & d’empressement, dont on décore ici les moindres devoirs de la société, étoient naturels, il faudrait, mon cher Aza, que ces peuples eussent dans le cœur plus de bonté, plus d’humanité que les nôtres, cela se peut-il penser ?
S’ils avoient autant de sérénité dans l’ame que sur le visage, si le penchant à la joye, que je remarque dans toutes leurs actions, étoit sincere, choisiroient-ils pour leurs amusemens des spectacles, tels que celui que l’on m’a fait voir ?
On m’a conduite dans un endroit, où l’on représente à peu près comme dans ton Palais, les actions des hommes qui ne sont plus ; mais si nous ne rappellons que la mémoire des plus sages & des plus vertueux, je crois qu’ici on ne célébre que les insensés & les méchans. Ceux qui les représentent, crient & s’agitent comme des furieux ; j’en ai vû un pousser sa rage jusqu’à se tuer lui-même. De belles femmes, qu’apparemment ils persécutent, pleurent sans cesse, & font des gestes de désespoir, qui n’ont pas besoin des paroles dont ils sont accompagnés, pour faire connoître l’excès de leur douleur.
Pourroit-on croire, mon cher Aza, qu’un peuple entier, dont les dehors sont si humains, se plaise à la représentation des malheurs ou des crimes qui ont autrefois avili, ou accablé leurs semblables ?
Mais, peut-être a-t-on besoin ici de l’horreur du vice pour conduire à la vertu ; cette pensée me vient sans la chercher, si elle étoit juste, que je plaindrois cette nation ! La nôtre plus favorisée de la nature, chérit le bien par ses propres attraits ; il ne nous faut que des modèles de vertu pour devenir vertueux, comme il ne faut que t’aimer pour devenir aimable.
L’écriture comme passage entre deux mondes
La lettre 16 des Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny constitue un moment charnière dans le parcours initiatique de Zilia. Cette missive révèle une héroïne confrontée à la raréfaction de ses quipus et à l’apprentissage laborieux de l’écriture française, tout en développant une critique acerbe de la société qui l’accueille. L’analyse de cette lettre dévoile la virtuosité de Graffigny qui, sous couvert d’exotisme, livre une satire implacable des mœurs françaises du XVIIIe siècle.
L’œuvre, publiée en 1747, s’inscrit dans la vogue du roman épistolaire philosophique inaugurée par Montesquieu avec ses Lettres persanes. Cependant, Graffigny innove en adoptant une forme monodique – une seule voix s’exprime – là où le genre privilégie habituellement la polyphonie. Cette particularité formelle accentue l’isolement de Zilia et donne une intensité particulière à ses réflexions sur la société française.
La nostalgie des quipus et l’apprentissage de l’alphabet
La lettre s’ouvre sur un constat dramatique qui teinte l’ensemble du propos d’une mélancolie profonde : « Il me reste si peu de Quipos, mon cher Aza, qu’à peine j’ose en faire usage ». Cette phrase liminaire installe immédiatement l’urgence temporelle et affective qui traverse la lettre. Les quipus, ces cordelettes à nœuds utilisées par les Incas pour transmettre des informations, deviennent ici bien plus qu’un simple système de communication : ils incarnent le dernier lien tangible avec la culture péruvienne et avec Aza.
L’expression « qu’à peine j’ose en faire usage » révèle la dimension sacrée que revêtent désormais ces objets. Zilia les économise comme un trésor qui s’amenuise, créant un paradoxe tragique : plus elle les préserve, moins elle peut s’exprimer, mais plus elle les utilise, plus elle se rapproche du silence définitif. Cette économie de la parole transforme l’acte d’écrire en sacrifice conscient, chaque lettre nouée devenant potentiellement la dernière.
Le registre pathétique se déploie dans la métaphore de l’épuisement vital : « le soûtien de ma vie, rien ne soulagera le poids de ton absence, j’en serai accablée ». L’écriture est présentée comme une fonction vitale, et sa disparition annoncée équivaut à une mort symbolique. Cette personnification des quipus en « soutien de vie » élève l’objet matériel au rang de lien spirituel indispensable.
Le passage de l’évocation nostalgique des quipus à la description de l’apprentissage du français marque une rupture à la fois formelle et thématique. Zilia présente l’écriture alphabétique à travers le regard étonné de celle qui découvre un système radicalement différent : « Cela se fait en traçant avec une plume des petites figures que l’on appelle Lettres, sur une matiere blanche & mince que l’on nomme papier ».
Cette description volontairement naïve adopte le point de vue de l’ethnologue amateur. Graffigny utilise ici la technique du regard étranger pour défamiliariser des pratiques que ses lecteurs considèrent comme naturelles. L’énumération détaillée (« plume », « petites figures », « Lettres », « matiere blanche & mince », « papier ») mime la découverte progressive et l’effort de compréhension d’un système complexe.
L’ironie de Graffigny se révèle dans l’appellation du maître français : « un Sauvage de cette Contrée ». Ce renversement terminologique, qui applique aux Français l’épithète habituellement réservée aux peuples non-européens, constitue une critique implicite de l’ethnocentrisme. Zilia adopte la perspective inverse de celle des conquistadors : c’est désormais le Français qui devient l’Autre, le « sauvage » aux pratiques étranges.
La difficulté d’apprentissage est rendue par une série d’obstacles qui s’accumulent : « ces noms & ces sons me paroissent si peu distincts les uns des autres ». L’abstraction de l’écriture alphabétique, qui demande de maîtriser la correspondance entre graphèmes et phonèmes, contraste avec la matérialité concrète des quipus. Cette comparaison implicite souligne la relativité des systèmes de communication et questionne la supposée supériorité de l’écriture occidentale.
Le spectacle théâtral
Le développement sur le théâtre occupe une place centrale dans la lettre et révèle la finesse d’observation de Zilia. Sa description des spectacles français – « On m’a conduite dans un endroit, où l’on représente à peu près comme dans ton Palais, les actions des hommes qui ne sont plus » – établit d’emblée une comparaison entre les pratiques théâtrales péruviennes et françaises.
Cette comparaison tourne rapidement à l’avantage des premiers : « si nous ne rappellons que la mémoire des plus sages & des plus vertueux, je crois qu’ici on ne célébre que les insensés & les méchans ». Zilia oppose la fonction édifiante et mémorielle du théâtre péruvien à la complaisance française pour la représentation du vice. Cette critique porte sur le goût du public français pour la tragédie classique, qui met en scène des passions destructrices et des crimes spectaculaires.
La description des acteurs – « Ceux qui les représentent, crient & s’agitent comme des furieux ; j’en ai vû un pousser sa rage jusqu’à se tuer lui-même » – évoque probablement une représentation tragique de Corneille ou de Racine. L’effet cathartique recherché par la tragédie classique, qui vise à purger les passions par la terreur et la pitié, est perçu par Zilia comme une complaisance morbide.
L’observation du théâtre conduit Zilia à une réflexion plus générale sur les mœurs françaises : « je soupçonne cette nation de n’être point telle qu’elle paroît ; l’affectation me paroît son caractère dominant ». Cette analyse sociologique fait de l’affectation – c’est-à-dire la recherche de l’effet et du paraître – le trait distinctif de la société française.
La critique porte sur le décalage entre les « démonstrations de zèle & d’empressement » et les sentiments réels. Zilia dénonce une théâtralisation des rapports sociaux où les « moindres devoirs de la société » donnent lieu à des manifestations excessives. Cette observation rejoint les préoccupations des moralistes du XVIIe siècle comme La Bruyère, mais aussi les analyses des philosophes des Lumières sur l’hypocrisie sociale.
L’interrogation rhétorique – « Si les démonstrations de zèle & d’empressement […] étoient naturels, il faudrait […] que ces peuples eussent dans le cœur plus de bonté, plus d’humanité que les nôtres, cela se peut-il penser ? » – révèle l’impossibilité logique de cette supériorité morale. Zilia procède par l’absurde pour démontrer l’artificialité des manières françaises.
L’art du contraste et l’éloge du naturel péruvien
Le mouvement général de la lettre conduit à l’établissement d’une hiérarchie morale qui place les Péruviens au-dessus des Français. Cette inversion des valeurs constitue l’un des procédés les plus efficaces de la critique sociale de Graffigny. Là où les Européens voient des « sauvages » à civiliser, Zilia révèle des peuples « plus favorisés de la nature » qui « chérissent le bien par ses propres attraits ».
Cette opposition repose sur le contraste entre naturel et artificiel, authenticité et affectation. Les Péruviens n’ont besoin que de « modèles de vertu pour devenir vertueux », tandis que les Français semblent avoir « besoin […] de l’horreur du vice pour conduire à la vertu ». Cette différence révèle deux anthropologies opposées : d’un côté, un peuple naturellement bon, de l’autre, une société corrompue qui ne peut accéder au bien que par la répulsion du mal.
La conclusion de la lettre développe l’idéal du « bon sauvage » cher aux Lumières. Zilia incarne cette figure du primitif vertueux qui, par sa seule existence, condamne la civilisation européenne. L’opposition finale entre « il ne nous faut que des modèles de vertu pour devenir vertueux, comme il ne faut que t’aimer pour devenir aimable » et la nécessité française de passer par « l’horreur du vice » cristallise cette hiérarchie morale.
L’amour pour Aza devient la métaphore de cette vertu naturelle : il suffit d’aimer pour devenir digne d’être aimé. Cette simplicité s’oppose à la complexité des codes sociaux français, à leur caractère factice et contraignant. Graffigny développe ici une philosophie de l’authenticité qui préfigure certains développements de Rousseau sur la bonté naturelle.
L’écriture comme nécessité existentielle
Un aspect remarquable de cette lettre réside dans l’expression de la solitude de Zilia : « Je voudrois vivre seule : tout ce que je vois me déplaît, & la nécessité que l’on m’impose d’être toujours dans la chambre de Madame me devient un supplice ». Cette confession révèle la violence symbolique exercée sur l’héroïne, contrainte à une sociabilité qui la blesse.
Le contraste entre le désir d’isolement et l’obligation de paraître souligne l’inadéquation entre les besoins profonds de Zilia et les exigences de la société française. L’utilisation du terme « supplice » pour qualifier cette contrainte sociale révèle l’intensité de la souffrance éprouvée. Cette métaphore judiciaire fait de Zilia une victime de la civilisation française.
Face à cette contrainte, l’écriture devient l’unique refuge : « aussi ne trouvai je plus de plaisir que dans cette nouvelle & singulière étude ». L’apprentissage du français, d’abord présenté comme difficile et imposé, se transforme en consolation volontaire. Cette évolution marque l’appropriation progressive de l’outil linguistique par Zilia.
L’écriture permet à Zilia de maintenir son identité péruvienne tout en acquérant les moyens de critiquer la société française. Elle devient l’instrument d’une résistance culturelle qui refuse l’assimilation complète. Cette fonction libératrice de l’écriture fait écho aux préoccupations de Graffigny elle-même, femme de lettres contrainte de gagner son indépendance par la plume.
Analyse linéaire de la lettre 16
Le mouvement d’ouverture installe immédiatement la tonalité pathétique par l’expression de la raréfaction des quipus. L’adverbe « si peu » et la restriction « qu’à peine » créent un effet d’accumulation de la négativité qui traduit l’angoisse de Zilia. La métaphore de l’épargne (« comme si en les épargnant je pouvois les multiplier ») révèle la logique magique à laquelle se raccroche l’héroïne face à l’impossible.
L’évocation des projets abandonnés (« conserver le souvenir des plus secrets mouvemens de mon cœur », « conserver la mémoire des principaux usages de cette nation singuliere ») révèle la fonction mémorielle que Zilia assignait à ses lettres. Cette dimension ethnographique fait de l’héroïne une observatrice consciente de sa mission de témoignage.
La phrase « Hélas ! il me reste bien peu d’espérance de pouvoir exécuter mes projets » marque la transition vers l’évocation de la solution alternative : l’apprentissage du français. L’interjection « Hélas ! » souligne la dimension tragique de cet abandon contraint.
Ce passage développe la description technique de l’écriture alphabétique à travers le regard émerveillé et dubitatif de Zilia. L’énumération des éléments (« plume », « petites figures », « Lettres », « papier ») procède par accumulation descriptive qui mime la découverte progressive.
L’ironie du « Sauvage de cette Contrée » révèle la relativité des perspectives culturelles. Graffigny utilise ici l’effet de surprise pour questionner les préjugés de ses lecteurs. La métaphore de la « sorte d’éxistence aux pensées » pour désigner l’écriture révèle une conception animiste du langage qui contraste avec la vision occidentale.
La difficulté d’apprentissage est exprimée par une série de restrictions et de doutes : « si peu distincts », « si je réussis un jour », « je suis bien assurée que ce ne sera pas sans beaucoup de peines ». Cette gradation dans l’expression du doute prépare le contraste avec l’enthousiasme final pour cette « nouvelle & singulière étude ».
La transition « Il n’en est point » marque l’acceptation résignée de l’apprentissage du français comme seule voie possible. L’évocation de la solitude désirée (« Je voudrois vivre seule ») contraste avec l’obligation sociale subie.
La description du théâtre procède par comparaison avec les usages péruviens. L’opposition entre la célébration des « plus sages & des plus vertueux » et celle des « insensés & des méchans » structure tout le développement critique. Les détails concrets (« crient & s’agitent comme des furieux », « se tuer lui-même », « pleurent sans cesse ») donnent une impression de réalisme ethnographique à l’observation.
Ce mouvement généralise la critique du théâtre à l’ensemble de la société française. L’interrogation rhétorique « Pourroit-on croire […] qu’un peuple entier […] se plaise à la représentation des malheurs ou des crimes » souligne l’incompréhension de Zilia face à ce qu’elle perçoit comme une perversion morale.
L’hypothèse explicative (« peut-être a-t-on besoin ici de l’horreur du vice pour conduire à la vertu ») révèle la finesse d’analyse de Zilia, capable d’envisager une logique différente de la sienne. Cependant, cette hypothèse débouche sur une condamnation : « si elle étoit juste, que je plaindrois cette nation ! ».
Le mouvement conclusif établit la hiérarchie morale définitive entre les deux peuples. L’antithèse entre les Péruviens « plus favorisés de la nature » et les Français contraints au détour par le vice structure cette péroraison.
La formule finale « il ne nous faut que des modèles de vertu pour devenir vertueux, comme il ne faut que t’aimer pour devenir aimable » constitue l’apothéose lyrique de la lettre. La comparaison entre l’apprentissage moral et l’amour pour Aza élève ce dernier au rang de modèle absolu de vertu. Cette conclusion circulaire ramène à Aza, destinataire de la lettre, et transforme l’analyse sociale en déclaration d’amour implicite.
La modernité littéraire de Graffigny
La lettre 16 révèle la modernité de Graffigny dans sa façon d’aborder les questions linguistiques et culturelles. L’attention portée aux processus d’apprentissage, la réflexion sur les systèmes de communication et l’analyse comparative des cultures témoignent d’une approche quasi-anthropologique remarquable pour l’époque.
L’adoption du point de vue féminin et étranger permet à Graffigny de critiquer la société française sans encourir directement la censure. Cette stratégie narrative révèle une conscience aiguë des contraintes sociales et littéraires pesant sur les femmes écrivains du XVIIIe siècle.
Cette lettre préfigure certains développements de la littérature moderne sur les questions d’identité culturelle et d’apprentissage linguistique. La réflexion de Zilia sur le passage d’un système de communication à un autre annonce les préoccupations contemporaines sur la traduction et l’interculturel.
L’analyse de l’affectation sociale trouve des échos chez tous les moralistes français, de La Rochefoucauld à Proust. Graffigny participe ainsi à une tradition critique qui traverse la littérature française et en constitue l’une des constantes les plus fécondes.
La lettre 16 des Lettres d’une Péruvienne révèle ainsi la richesse d’une œuvre qui mêle habilement sentimentalisme et critique sociale, exotisme et réflexion philosophique. Graffigny y déploie un art consommé du contraste et de l’ironie qui fait de cette lettre un petit chef-d’œuvre de finesse psychologique et de pertinence sociologique. L’héroïne y apparaît comme une figure complexe, à la fois victime et observatrice lucide, étrangère et critique de l’intérieur, donnant à cette page une modernité qui explique l’intérêt renouvelé pour cette œuvre injustement méconnue.

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