📑 TABLE DES MATIÈRES

  1. 📖 Le texte
  2. Introduction
  3. Une métaphore de la vie et de la féminité
  4. Le corps féminin
  5. L’émancipation
  6. Le style de Colette

📖 Le texte

Ô toi qui me nommes danseuse, sache, aujourd’hui, que je n’ai pas appris à danser. Tu m’as rencontrée petite et joueuse, dansant sur la route et chassant devant moi mon ombre bleue. Je virais comme une abeille, et le pollen d’une poussière blonde poudrait mes pieds et mes cheveux couleur de chemin…

Tu m’as vue revenir de la fontaine, berçant l’amphore au creux de ma hanche tandis que l’eau, au rythme de mon pas, sautait sur ma tunique en larmes rondes, en serpents d’argent, en courtes fusées frisées qui montaient, glacées, jusqu’à ma joue… Je marchais lente, sérieuse, mais tu nommais mon pas une danse. Tu ne regardais pas mon visage, mais tu suivais le mouvement de mes genoux, le balancement de ma taille, tu lisais sur le sable la forme de mes talons nus, l’empreinte de mes doigts écartés, que tu comparais à celle de cinq perles inégales…

Tu m’as dit : « Cueille ces fleurs, poursuis ce papillon… » car tu nommais ma course une danse, et chaque révérence de mon corps penché sur les œillets de pourpre, et le geste, à chaque fleur recommencé, de rejeter sur mon épaule une écharpe glissante…

Dans ta maison, seule entre toi et la flamme haute d’une lampe, tu m’as dit : « Danse ! » et je n’ai pas dansé.

Mais nue dans tes bras, liée à ton lit par le ruban de feu du plaisir, tu m’as pourtant nommée danseuse, à voir bondir sous ma peau, de ma gorge renversée à mes pieds recourbés, la volupté inévitable…

Lasse, j’ai renoué mes cheveux, et tu les regardais, dociles, s’enrouler à mon front comme un serpent que charme la flûte…

J’ai quitté ta maison durant que tu murmurais : « La plus belle de tes danses, ce n’est pas quand tu accours, haletante, pleine d’un désir irrité et tourmentant déjà, sur le chemin, l’agrafe de ta robe… C’est quand tu t’éloignes de moi, calmée et les genoux fléchissants, et qu’en t’éloignant tu me regardes, le menton sur l’épaule… Ton corps se souvient de moi, oscille et hésite, tes hanches me regrettent et tes reins me remercient… Tu me regardes, la tête tournée, tandis que tes pieds divinateurs tâtent et choisissent leur route…

« Tu t’en vas, toujours plus petite et fardée par le soleil couchant, jusqu’à n’être plus, en haut de la pente, toute mince dans ta robe orangée, qu’une flamme droite, qui danse imperceptiblement… »

Si tu ne me quittes pas, je m’en irai, dansant, vers ma tombe blanche.

D’une danse involontaire et chaque jour ralentie, je saluerai la lumière qui me fit belle et qui me vit aimée.

Une dernière danse tragique me mettra aux prises avec la mort, mais je ne lutterai que pour succomber avec grâce.

Que les dieux m’accordent une chute harmonieuse, les bras joints au-dessus de mon front, une jambe pliée et l’autre étendue, comme prête à franchir, d’un bond léger, le seuil noir du royaume des ombres…

Tu me nommes danseuse, et pourtant je ne sais pas danser…


Introduction

La danse est bien plus qu’un simple art du mouvement : elle fascine, séduit, captive les regards. Elle est tour à tour expression de la liberté, rituel social ou outil de séduction. Mais que se passe-t-il lorsque la danse devient une étiquette que l’on appose sur une femme, indépendamment de sa volonté ? Dans Chanson de la danseuse, extrait du recueil Les Vrilles de la vigne (1908), Colette interroge cette assignation. La narratrice, dont les gestes et la démarche sont perçus comme une chorégraphie naturelle, rejette pourtant cette idée : elle ne danse pas, elle se meut, elle existe. Et pourtant, un regard masculin – celui de l’amant – la définit ainsi, projetant sur elle une image façonnée par son désir.

À travers ce texte, Colette déconstruit la manière dont la femme est perçue et enfermée dans une vision idéalisée. Ce n’est pas la narratrice qui revendique l’appellation de danseuse, mais l’homme qui l’observe, qui l’interprète. Chaque geste devient pour lui une performance esthétique, une invitation à la contemplation. Son pas n’est pas une simple démarche, mais une danse ; son corps, même au repos, semble exécuter une chorégraphie involontaire. Cette perception révèle un enjeu majeur : la femme est-elle libre de ses mouvements ou est-elle condamnée à être un spectacle, un objet de fascination ?

Colette, écrivaine profondément ancrée dans son époque mais déjà en avance sur les questions de liberté féminine, explore ici un thème central de son œuvre : le regard masculin sur le corps féminin et l’emprise qu’il exerce. La narratrice n’a pas appris à danser, elle ne cherche pas à séduire, et pourtant, elle est perçue comme une danseuse malgré elle. Ce paradoxe illustre la manière dont la société modèle l’image des femmes selon des codes implicites. L’homme du récit ne s’intéresse pas à l’intériorité de celle qu’il contemple ; il ne regarde pas son visage, mais suit le mouvement de ses hanches, la trace de ses pas dans le sable. Il ne voit pas la femme en tant qu’individu, mais en tant que silhouette mouvante, symbole de désir.

Mais Chanson de la danseuse ne se limite pas à une critique de cette vision réductrice. Il est aussi un texte d’affirmation, où la narratrice revendique, à sa manière, son indépendance. Si l’homme veut la voir danser, elle, en revanche, revendique son immobilité : « Dans ta maison, seule entre toi et la flamme haute d’une lampe, tu m’as dit : « Danse ! » et je n’ai pas dansé. » Ce refus marque une opposition forte. Là où l’homme cherche à la transformer en spectacle, elle choisit d’échapper à cette attente. Pourtant, même dans son départ, il continue de la voir comme une danseuse, sublimant jusqu’à son éloignement : « La plus belle de tes danses, c’est quand tu t’éloignes de moi. » L’ultime ironie du texte réside dans cette impossibilité d’échapper au regard de l’autre.

Avec cette courte nouvelle, Colette livre une réflexion subtile et poétique sur la condition féminine, sur la manière dont le corps des femmes est perçu, et sur la difficulté de s’affranchir des projections masculines. À travers une écriture sensorielle et évocatrice, elle nous invite à questionner ce que signifie être une femme observée, désirée, nommée selon des codes imposés. Est-il possible d’exister sans être interprétée ? Peut-on échapper au regard qui enferme ?


Une métaphore de la vie et de la féminité

Dans Chanson de la danseuse, la danse transcende sa simple expression artistique pour devenir une métaphore profonde de la condition féminine et de la manière dont la société perçoit et définit la féminité. La narratrice, désignée comme « danseuse », n’a pourtant jamais appris cet art de manière formelle. Cette appellation découle des projections et des désirs de l’observateur masculin, réduisant ainsi la femme à une image idéalisée façonnée par le regard de l’autre. La danse symbolise ici la performance attendue des femmes dans la société, où leurs gestes et attitudes sont interprétés selon des codes prédéfinis.

Dans le texte, la narratrice est constamment perçue comme une danseuse par l’homme qui l’observe. Qu’elle marche, cueille des fleurs ou porte une amphore, chacun de ses mouvements est interprété comme une danse. Cette perception souligne la tendance de la société à sexualiser et à esthétiser les actions quotidiennes des femmes, les enfermant dans des rôles prédéfinis. La narratrice exprime cette incompréhension : « Tu m’as dit : ‘Danse !’ et je n’ai pas dansé. » Elle souligne ainsi le décalage entre son identité réelle et l’image projetée sur elle.

La littérature a souvent utilisé la danse comme symbole pour explorer la condition féminine. Dans Orgueil et Préjugés de Jane Austen, les bals sont des lieux où les femmes sont exposées au regard masculin, et où leur valeur est souvent jugée en fonction de leur grâce et de leur capacité à suivre les codes sociaux de la danse. Ces scènes de bal servent de métaphores aux relations sociales et aux attentes placées sur les femmes dans la société anglaise du XIXᵉ siècle. Cette même thématique se retrouve dans Anna Karénine de Tolstoï, où la danse devient un moment clé du récit : un instant de séduction, mais aussi de danger et de transgression. Lorsque l’héroïne danse avec Vronski, elle scelle son destin, car cet acte marque aux yeux de tous le début de leur liaison interdite. La danse apparaît alors comme un langage codifié, un espace où la femme doit séduire mais aussi respecter les règles implicites de son milieu, sous peine d’être rejetée.

Cependant, la danse n’est pas toujours perçue comme une contrainte. Pour certaines femmes, elle devient un moyen d’expression personnelle et d’émancipation. Isadora Duncan, pionnière de la danse moderne au début du XXᵉ siècle, a rejeté les conventions rigides du ballet classique pour créer un style de danse libre, inspiré par la nature et l’Antiquité grecque. Elle considérait la danse comme une extension de l’âme et une expression de la liberté individuelle. Son art, fondé sur le mouvement naturel du corps, s’opposait aux carcans imposés aux danseuses classiques, contraintes par des postures rigides et une discipline de fer. À travers elle, la danse devient une célébration du corps féminin affranchi, un outil de revendication de l’indépendance et du plaisir d’exister en dehors des regards masculins.

Des écrivaines ont également utilisé la danse pour questionner et déconstruire les stéréotypes de genre. Renée Vivien, dans La Dame à la louve, défie les normes sociales en offrant une vision fragmentée et troublante des identités féminines. Ses personnages dansent souvent sur la ligne floue séparant les genres, refusant les assignations simplistes. Cette approche rappelle la narratrice de Chanson de la danseuse, qui cherche à se réapproprier son corps et son mouvement, au-delà des projections qui lui sont imposées.

Dans Chanson de la danseuse, Colette utilise la danse comme une métaphore puissante pour illustrer la manière dont la société impose aux femmes des rôles et des identités basés sur des perceptions extérieures. La narratrice, en affirmant qu’elle ne sait pas danser, rejette ces projections et cherche à se réapproprier son identité en dehors des attentes sociétales. Cette thématique résonne avec d’autres œuvres littéraires où la danse est tantôt perçue comme une contrainte, tantôt comme un moyen d’émancipation, reflétant la complexité de la condition féminine à travers les époques.


Le corps féminin

Colette offre aussi une analyse en filigrane de la sensualité féminine à travers une relation intime que la narratrice entretient avec son propre corps. Les descriptions détaillées des mouvements, des sensations et des interactions physiques mettent en lumière une sensualité omniprésente, célébrant le corps féminin dans sa naturalité et revendiquant une liberté d’expression et d’existence. Cette approche souligne l’importance de la connexion entre le corps et l’esprit, et la nécessité pour la femme de se réapproprier son image et sa sensualité.​

Dans Chanson de la danseuse, la narratrice est décrite dans des situations quotidiennes où chaque geste, chaque mouvement est empreint de sensualité. Par exemple, lorsqu’elle revient de la fontaine, l’eau « sautait sur [sa] tunique en larmes rondes, en serpents d’argent », une description qui évoque une intimité profonde avec les éléments naturels et une conscience aiguë de son propre corps.​

Colette célèbre le corps féminin dans sa forme la plus naturelle, loin des artifices imposés par la société. Cette célébration de la naturalité du corps féminin est une constante dans l’œuvre de Colette, qui s’oppose aux normes rigides de son époque concernant la féminité et la sensualité.​

La narratrice cherche à se réapproprier son image et sa sensualité, en dehors des projections et des attentes de la société. Elle exprime une volonté d’émancipation face aux étiquettes que la société lui impose, cherchant à définir sa propre identité, indépendante des attentes externes. Cette quête d’authenticité reflète le désir de se libérer des contraintes sociales et de vivre en accord avec soi-même.​

Colette offre une réflexion profonde sur la sensualité et le corps féminin. Elle invite les femmes à se réapproprier leur image et leur sensualité, en célébrant leur corps dans sa naturalité et en revendiquant une liberté d’expression et d’existence. Cette approche souligne l’importance de la connexion entre le corps et l’esprit, et la nécessité pour la femme de s’affranchir des artifices imposés pour vivre pleinement sa féminité. Colette, par son écriture sensuelle et poétique, parvient à capturer les nuances de l’âme humaine et à les retranscrire avec une sensibilité unique, offrant ainsi une œuvre intemporelle qui continue de résonner avec les lecteurs et les lectrices d’aujourd’hui.


L’émancipation

Dans Chanson de la danseuse, la quête d’identité et l’émancipation de la narratrice occupent une place centrale. Le texte met en scène une femme qui refuse les projections que les autres imposent sur elle, en particulier celles d’un regard masculin qui l’enferme dans un rôle qu’elle n’a pas choisi. Elle est qualifiée de « danseuse » sans jamais avoir appris à danser, ce qui souligne la façon dont son identité est construite par autrui plutôt que par elle-même. Face à cette assignation, elle cherche à s’affranchir des stéréotypes et à définir qui elle est réellement, sans être réduite à une image idéalisée ou à une performance destinée à plaire. Cette tension entre l’identité imposée et l’identité choisie traverse tout le texte et reflète les questionnements plus larges de Colette sur la condition féminine et la liberté individuelle.

La construction de l’identité féminine a longtemps été soumise aux attentes sociales, et la littérature en témoigne abondamment. Dans Madame Bovary, Flaubert met en scène une héroïne qui tente d’échapper aux rôles imposés par son époque en rêvant à des idéaux romantiques qui la mènent à sa perte. Emma Bovary est enfermée dans un mariage ennuyeux et voit son identité définie par son statut d’épouse et de mère, des rôles qu’elle rejette sans parvenir à s’en libérer réellement. Chez Colette, la quête d’émancipation prend une tournure différente : il ne s’agit pas de fuir dans une illusion, mais au contraire de refuser d’être modelée par le regard des autres pour se réapproprier son propre corps et son propre mouvement. Ce refus se manifeste clairement lorsque la narratrice déclare : « Tu m’as dit : ‘Danse !’ et je n’ai pas dansé. » Elle revendique ainsi son autonomie en opposant un silence et une immobilité à l’injonction de l’autre.

Cette tension entre identité et regard extérieur est un motif récurrent dans l’œuvre de Colette. Dans La Vagabonde, roman largement autobiographique publié en 1910, l’héroïne Renée Néré, artiste de music-hall, oscille entre le désir d’amour et la nécessité de préserver son indépendance. Après un mariage malheureux, elle choisit de vivre de son art, consciente que l’amour pourrait l’enfermer de nouveau dans une relation où elle perdrait son autonomie. Ce dilemme est proche de celui de la narratrice de Chanson de la danseuse, qui sent qu’elle ne peut exister qu’en dehors du cadre que l’homme tente d’imposer à son corps et à ses mouvements. L’enjeu n’est donc pas seulement de refuser une assignation, mais bien de conquérir une forme de liberté intérieure qui ne dépende pas du regard de l’autre.

La métaphore de la danse joue ici un rôle clé. La narratrice est perçue comme une danseuse, mais elle ne danse pas consciemment. Son mouvement est spontané, naturel, et pourtant il est interprété comme une performance destinée à séduire. Cela rappelle la manière dont la féminité a été historiquement façonnée par des normes extérieures. Le philosophe Jean-Paul Sartre, dans L’Être et le Néant, analyse comment le regard de l’autre fige l’individu dans un rôle, l’empêchant d’être pleinement lui-même. Simone de Beauvoir, dans Le Deuxième Sexe, approfondit cette idée en montrant que la femme est souvent perçue comme un objet esthétique, une image façonnée par la société patriarcale. Colette, à travers cette nouvelle, met en scène une prise de conscience féminine qui s’inscrit dans cette lignée philosophique : refuser de « danser » revient à revendiquer une existence autonome, affranchie des attentes extérieures.

Ce refus d’être enfermée dans un rôle se prolonge dans la dernière partie du texte, où la narratrice évoque la danse de la mort. Elle imagine une chute « harmonieuse », un dernier mouvement qui lui appartient pleinement, loin des injonctions du regard masculin. En revendiquant même la façon dont elle veut mourir, elle affirme que son corps et son destin ne sont la propriété de personne. Ce passage résonne avec d’autres figures littéraires féminines qui refusent la domination masculine jusqu’à la mort. Dans La Princesse de Clèves, l’héroïne renonce à l’amour pour préserver son intégrité, choisissant une solitude radicale plutôt qu’une existence dictée par le désir d’un homme. De même, Anna Karénine, chez Tolstoï, se jette sous un train dans un geste qui marque à la fois son impossibilité de trouver une place dans la société et son refus de se plier à ses règles.

Colette, à travers ce texte, met en lumière un parcours d’émancipation qui passe par la négation d’une identité imposée pour mieux affirmer une identité choisie. Ce thème traverse toute son œuvre et trouve un écho particulier dans sa propre vie. Après avoir été exploitée littérairement par son mari Willy, elle s’est affranchie de son emprise pour devenir une écrivaine reconnue, brisant ainsi le carcan qui lui avait été imposé. Son écriture, profondément ancrée dans l’expérience corporelle, célèbre une liberté qui passe par la réappropriation de soi, en opposition aux attentes qui assignent les femmes à des rôles figés.

À travers Chanson de la danseuse, Colette dresse donc le portrait d’une femme en quête d’émancipation, qui rejette les définitions imposées pour affirmer sa propre existence. Ce refus de « danser » est une métaphore puissante du combat féminin pour l’indépendance, un combat qui, encore aujourd’hui, résonne avec force dans les débats sur la liberté et l’autodétermination des femmes.


Le style de Colette

​Le style de Colette dans « Chanson de la danseuse » se distingue par une écriture sensuelle et poétique, où chaque mot est choisi avec une précision évocatrice pour traduire les sensations et les émotions de la narratrice. Son usage des métaphores et des comparaisons enrichit le texte, créant une atmosphère intime et immersive qui transporte le lecteur dans l’univers intérieur du personnage.​

Dès les premières lignes, Colette instaure une proximité avec la nature, reflétant l’innocence et la liberté de l’enfance. La narratrice se remémore : « Je virais comme une abeille, et le pollen d’une poussière blonde poudrait mes pieds et mes cheveux couleur de chemin… » Cette comparaison à l’abeille souligne la légèreté et la spontanéité de ses mouvements, tandis que l’image du pollen évoque une fusion harmonieuse avec son environnement.​

L’eau, élément récurrent dans le texte, est décrite avec une richesse sensorielle qui témoigne de la finesse stylistique de Colette. La narratrice évoque l’eau de la fontaine qui « sautait sur [sa] tunique en larmes rondes, en serpents d’argent ». Ici, les « larmes rondes » suggèrent la pureté et la douceur, tandis que les « serpents d’argent » introduisent une notion de mouvement sinueux et gracieux, renforçant l’idée d’une danse involontaire.​

Colette parvient à mêler prose et poésie, offrant une musicalité particulière à son texte. Les phrases, souvent longues et rythmées, suivent le flux des souvenirs et des sensations, créant une cadence qui rappelle celle d’une danse. Cette structure fluide permet au lecteur de se laisser porter par le récit, d’entrer en résonance avec les émotions de la narratrice.​

Les descriptions du corps de la narratrice sont empreintes de sensualité, mais sans jamais tomber dans la vulgarité. Colette écrit : « Mais nue dans tes bras, liée à ton lit par le ruban de feu du plaisir, tu m’as pourtant nommée danseuse… » L’expression « ruban de feu du plaisir » illustre la passion et l’intensité du moment, tout en conservant une certaine délicatesse. Cette capacité à suggérer plutôt qu’à expliciter confère au texte une profondeur et une élégance remarquables.​

La nature est omniprésente dans le récit, servant de miroir aux émotions de la narratrice. Les éléments naturels, tels que l’eau, le sable ou la lumière, sont décrits avec une précision sensorielle qui enrichit le texte. Par exemple, la narratrice mentionne « le balancement de ma taille, tu lisais sur le sable la forme de mes talons nus ». Cette attention aux détails crée une atmosphère immersive, où le lecteur peut presque ressentir les sensations évoquées

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