
📚 TABLE DES MATIÈRES
- Frère Jean : héros burlesque et incarnation de la satire religieuse
- Une parodie des conflits absurdes
Dans ce chapitre 47, Rabelais continue de développer les thèmes de la guerre et de la folie humaine à travers les interactions entre les personnages et les événements qui opposent Grandgousier à Picrochole. Ce texte mêle satire, exagérations burlesques et commentaires sur la politique et la nature humaine.
Les alliances locales et la stratégie de Grandgousier
L’ouverture du chapitre met en scène un vaste élan de solidarité des communautés environnantes envers Grandgousier. Les villages voisins lui proposent une aide substantielle, comprenant des sommes d’argent astronomiques et des contingents militaires impressionnants :
« Quinze mille hommes d’armes, trente-deux mille chevaulégers, quatre-vingt-neuf mille arquebusiers… »
Ces chiffres colossaux, presque ridicules dans leur ampleur, servent à souligner l’absurdité de l’escalade militaire. Cette hyperbole montre aussi la critique implicite de Rabelais envers la logique des alliances militaires de son époque, où les coalitions étaient souvent surdimensionnées et inefficaces.
Cependant, Grandgousier adopte une approche plus mesurée. Plutôt que d’accepter pleinement cette aide, il choisit de se reposer sur ses propres troupes bien entraînées, réduisant ainsi l’impact de la guerre sur la population civile. Il déclare :
« Il achèverait cette guerre avec une tactique telle qu’il n’aurait pas besoin d’importuner tant de gens de bien. »
Ce passage met en lumière la sagesse et l’humanité de Grandgousier, en opposition au comportement impulsif et destructeur de Picrochole. Rabelais semble ainsi valoriser la modération et le sens des responsabilités dans la gestion des conflits.
Le drame de Toucquedillon et Hâtiveau
Toucquedillon, envoyé auprès de Picrochole, adopte un rôle de médiateur. Il décrit Grandgousier comme un homme bon et plaide pour une résolution pacifique :
« Il conseilla qu’on trouvât un arrangement avec Grandgousier, dont il avait pu vérifier qu’il était le meilleur homme du monde. »
Cependant, sa suggestion est interprétée comme un acte de trahison par Hâtiveau, un proche de Picrochole. La confrontation verbale entre les deux hommes escalade rapidement en violence, et Toucquedillon finit par tuer Hâtiveau dans un accès de colère. Ce meurtre marque un tournant dans le récit :
« Qu’ainsi périsse celui qui blâmera les loyaux serviteurs ! »
Cet acte met en évidence l’incapacité des factions de Picrochole à maintenir une cohésion interne. La méfiance, l’agressivité et l’absence de dialogue reflètent la fragilité des alliances fondées sur la violence et l’ambition. En ordonnant l’exécution immédiate de Toucquedillon, Picrochole ne fait que renforcer l’instabilité et le mécontentement dans ses rangs.
Le contraste entre l’harmonie militaire des troupes de Grandgousier et le chaos dans le camp de Picrochole est frappant. Là où Grandgousier organise une armée disciplinée, décrite comme une « harmonie d’orgues ou un mouvement d’horlogerie », Picrochole plonge dans une spirale de désorganisation et de paranoïa.
Les murmures de dissension
La violence et l’injustice de Picrochole finissent par provoquer des tensions au sein de son armée. Grippepinaut, un autre conseiller, exprime ouvertement ses doutes :
« Je ne sais quelle sera l’issue de cette entreprise. Je vois vos gens manquer de courage et peu confiants. »
Ces paroles reflètent l’état d’esprit des soldats, de plus en plus conscients des faiblesses stratégiques et des conditions précaires auxquelles ils font face. Pourtant, Picrochole réagit avec mépris et arrogance :
« Merde, merde, vous ressemblez aux anguilles de Melun : vous criez avant qu’on vous écorche. »
Cette phrase illustre parfaitement l’entêtement et l’aveuglement du tyran face à la réalité. En ignorant les signes de mécontentement et en persistant dans sa folie des grandeurs, Picrochole scelle le destin de son armée et de son règne.
Rabelais utilise ce passage pour critiquer les dirigeants autocratiques et leur incapacité à écouter leurs subordonnés. La gestion tyrannique de Picrochole contraste avec la gouvernance éclairée de Grandgousier, renforçant le message humaniste de l’œuvre.
Le chapitre XLVII est une pièce maîtresse dans la critique rabelaisienne de la guerre et des comportements humains. À travers des exagérations burlesques, des dialogues tragiques et des scènes de violence, Rabelais dénonce :
- La futilité des conflits armés.
- Les divisions internes provoquées par l’ambition et la méfiance.
- L’aveuglement des dirigeants tyranniques face aux besoins réels de leurs sujets.
Ce chapitre ne se limite pas à une critique de son époque ; il offre une réflexion intemporelle sur la nature humaine et les conséquences de la guerre. Le contraste entre Grandgousier et Picrochole illustre l’opposition entre une gouvernance humaniste et éclairée et une tyrannie destructrice., rappelant l’importance de la paix et de la coopération dans un monde souvent divisé.
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