
📚 TABLE DES MATIÈRES
- Grandgousier : l’incarnation d’un souverain humaniste
- Picrochole : un tyran aveuglé par l’arrogance
- Une scène révélatrice des tensions sociales et politiques de l’époque
- La raison face à la folie guerrière
Le chapitre XXXII de Gargantua met en lumière les valeurs humanistes de Rabelais face à la violence et à la démesure. À travers cette scène de négociation pacifique suivie d’un rejet méprisant, Rabelais dresse une critique sociale et politique, tout en explorant les thèmes du pouvoir, de la justice et de la sagesse.
La montée de la tension
Ce chapitre s’inscrit dans la trame des « guerres picrocholines », un conflit absurde déclenché par une querelle autour de fouaces (petits pains). À la base, quelques fouaces ont été prises par des hommes de Grandgousier, et Marquet, un fouacier, a été blessé. Cependant, les fouaces ont été payées, et la première agression provenait de Marquet lui-même. Malgré la futilité du litige, Picrochole, roi belliqueux et orgueilleux, en fait un casus belli.
La scène s’ouvre sur la tentative de Grandgousier d’obtenir des explications et de proposer une résolution pacifique. Il envoie Gallet, un messager respecté, pour négocier. Cependant, face à la colère irrationnelle de Picrochole, Gallet revient en rapportant que ce dernier est « délaissé de Dieu ». Cette formulation accentue l’idée d’un roi déraisonnable, aveuglé par son orgueil.
Une tentative pacifique
Plutôt que de céder à l’escalade, Grandgousier, incarnation de la sagesse et de la tempérance, choisit une voie pacifique. Il propose de réparer le préjudice en restituant les fouaces et en offrant des compensations généreuses. Voici les principales actions de Grandgousier dans cet épisode :
- Restitution des fouaces : Il ordonne que cinq charrettes de fouaces soient préparées, avec une attention particulière à leur qualité. Une charrette est spécifiquement destinée à Marquet, blessé dans l’altercation.
- Compensations financières et matérielles : Grandgousier offre sept cent mille trois Philippes, une somme considérable, ainsi qu’une métairie, celle de la Pommardière, en libre usage perpétuel pour Marquet et ses descendants.
- Symboles de paix : Gallet fait disposer des joncs et des roseaux sur les charrettes, symbolisant la paix. Ce geste pacifique contraste fortement avec l’attitude guerrière de Picrochole.
Grandgousier agit ici comme un souverain éclairé, privilégiant la négociation et la diplomatie à la violence. Ce choix s’inscrit dans la pensée humaniste de Rabelais, qui valorise la raison et la paix comme piliers de la bonne gouvernance.
Le rejet de Picrochole
Malgré ces gestes de conciliation, Picrochole rejette catégoriquement les propositions de Grandgousier. Ce refus est relayé par Toucquedillon, un capitaine agressif et manipulateur, qui attise l’orgueil de son roi en interprétant les gestes pacifiques de Grandgousier comme des signes de faiblesse. Les paroles de Toucquedillon reflètent un mépris pour les valeurs humanistes :
« Ces rustres ont une belle peur. Par Dieu, Grandgousier se chie dessus, le pauvre buveur, il n’y connaît rien en matière de guerre, et il ne sait que vider les flacons. »
Picrochole, encouragé par ces mots, décide de ne pas accepter la paix. Il s’empare des charrettes, des fouaces, et de l’argent, tout en interdisant à Grandgousier d’approcher davantage. Ce comportement illustre son aveuglement, son avidité et son entêtement. Rabelais dépeint ici les travers des souverains belliqueux, incapables de reconnaître la sagesse dans la tempérance.
La scène se termine sur l’échec de la mission pacifique de Gallet et la reconnaissance, par Grandgousier, que seule la guerre pourra mettre fin à la folie de Picrochole. Cette conclusion souligne l’inévitable recours à la force face à un adversaire irrationnel.
Clés d’interprétation 🔑
Ce chapitre est emblématique de la critique rabelaisienne des conflits absurdes et des abus de pouvoir. À travers les réactions des personnages, Rabelais met en perspective plusieurs thèmes centraux :
- La futilité des conflits : Le litige initial, lié à quelques fouaces, est démesurément amplifié par l’orgueil de Picrochole. Ce contraste souligne l’absurdité des guerres motivées par des causes insignifiantes.
- La sagesse face à la déraison : Grandgousier, figure de sagesse, s’oppose à Picrochole, incarnation de l’orgueil et de la démesure. Ce contraste reflète les idéaux humanistes de Rabelais, qui valorise la raison et la modération.
- La critique sociale et politique : À travers Picrochole et ses conseillers, Rabelais ridiculise les souverains belliqueux et leurs courtisans flatteurs. Le comportement de Toucquedillon illustre les dangers des mauvais conseils, qui exacerbent les tensions plutôt que de les apaiser.
Enfin, l’offre généreuse de Grandgousier est un exemple de gouvernance éclairée, où la justice et la paix priment sur la violence. Ce chapitre rappelle que, dans un monde gouverné par la raison, les conflits devraient être résolus par le dialogue et la compréhension mutuelle. Cependant, lorsque la déraison et l’orgueil prennent le dessus, la guerre devient parfois inévitable.
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