📚 TABLE DES MATIÈRES

  1. La satire des Parisiens
  2. Une vengeance démesurée
  3. Une étymologie fantaisiste et satirique

Ce chapitre XVII de Gargantua est bien plus qu’un simple récit burlesque. Sous le voile de l’exagération et du grotesque, Rabelais dresse une critique acerbe de la société de son temps : le voyeurisme et la superficialité des masses, l’arrogance des institutions religieuses et universitaires, et l’ineptie des élites à répondre aux véritables enjeux de leur époque.

Rabelais utilise le rire et la provocation pour inviter ses lecteurs à une réflexion profonde sur le monde qui les entoure. Ce chapitre, tout en étant provocateur, incarne à merveille l’idéal humaniste de l’auteur, qui mêle savoir, imagination et critique sociale pour secouer les consciences.


La satire des Parisiens

Dès les premières lignes du chapitre, Rabelais dépeint les Parisiens de manière peu flatteuse. Ils sont décrits comme « si sot[s], si gobeur[s], si inepte[s] de nature », soulignant une naïveté presque caricaturale. L’auteur les accuse de se laisser distraire par des divertissements futiles, tels qu’un « bateleur », un « porteur de reliques » ou encore un « joueur de vielle », plutôt que d’écouter un « bon prêcheur évangélique ».

Cette critique reflète la vision humaniste de Rabelais, pour qui l’éducation et l’intellect sont les piliers d’une société éclairée. En tournant les Parisiens en ridicule, il pointe du doigt leur incapacité à discerner l’essentiel du superficiel, mettant en lumière leur penchant pour le spectaculaire au détriment de la réflexion. Cette dénonciation dépasse le simple cadre des Parisiens : elle s’étend à une critique plus générale des travers de la société française de son temps.


Une vengeance démesurée

L’épisode où Gargantua, harcelé par une foule curieuse, décide de « payer sa bienvenue » par une averse urinaire est emblématique de l’humour rabelaisien. Depuis les tours de Notre-Dame, il « compissa si hardiment qu’il en noya deux cent soixante mille quatre cent dix-huit », un chiffre absurde qui accentue le caractère burlesque de la scène.

L’usage du scatologique, loin d’être gratuit, sert ici à plusieurs fins :

  • La dénonciation du voyeurisme : Rabelais critique l’attrait excessif des masses pour les phénomènes extraordinaires, symbolisé ici par leur fascination pour la taille gigantesque de Gargantua.

  • L’inversion des valeurs : En urinant depuis un lieu sacré, les tours de Notre-Dame, Gargantua désacralise cet espace religieux, illustrant la manière dont Rabelais aime mêler le sacré et le profane pour provoquer et interroger.

  • La farce comme arme de critique : Ce geste extravagant ridiculise non seulement les Parisiens mais aussi leur obsession pour l’apparence et le sensationnel.

De plus, cette scène grotesque rappelle la tradition carnavalesque, où les hiérarchies sociales et les normes culturelles sont inversées dans un éclat de rire collectif. Gargantua devient ici un géant à la fois comique et subversif, renversant l’ordre établi par une simple pitrerie.


Une étymologie fantaisiste et satirique

Rabelais propose une origine burlesque du nom « Paris », qu’il fait dériver de l’expression : « nous voilà arrosés par ris ». Ce jeu de mots souligne son goût pour l’absurde et l’inventivité langagière. Avant cet épisode, Paris était appelée « Leucèce », selon Rabelais, en hommage aux « blanches cuisses » des dames du lieu. Ces faux emprunts à la géographie et à l’histoire antique illustrent sa maîtrise de l’érudition parodique, un moyen de tourner en dérision les prétentions savantes de certains clercs de son époque.

La scène où Gargantua décide de voler les cloches de Notre-Dame pour en faire des grelots pour sa jument est une attaque claire contre le rôle symbolique de ces objets sacrés. Les cloches, instruments du sacré par excellence, deviennent ici de simples accessoires, leur sacralité réduite à une utilité triviale. Ce geste traduit une remise en question des institutions religieuses, souvent accusées par les humanistes comme Rabelais de dogmatisme et de rigidité.

Par ailleurs, la réaction des autorités universitaires – envoyer un émissaire, Janotus de Bragmardo, pour plaider le retour des cloches – est dépeinte de manière burlesque. Ces débats scholastiques inutiles, pleins d’arguties et de syllogismes stériles, reflètent la critique de Rabelais envers une certaine pédagogie universitaire, qu’il juge déconnectée de la réalité.


Laisser un commentaire