🟥 Saviez-vous que George Orwell avait des habitudes d’écriture marquées par son goût pour l’austérité ?

Ses rituels, parfois déroutants, étaient à l’image de sa personnalité : disciplinée, obstinée et dévouée à la poursuite d’une écriture aussi claire que tranchante.

Orwell, né Eric Arthur Blair en 1903, n’écrivait pas comme la plupart des auteurs. Il préférait travailler debout, une posture qui, selon lui, favorisait la concentration. Il s’était fait construire un bureau adapté à cette habitude peu commune, où il passait de longues heures absorbé dans ses pensées et ses mots. Il partageait cette pratique avec d’autres écrivains célèbres comme Ernest Hemingway et Virginia Woolf, convaincus, eux aussi, des bienfaits intellectuels de cette posture.

L’île de Jura en Écosse où Georges Orwell écrivit le roman 1984 (Ken Craig, CC BY-SA 2.0)

Mais ce n’est pas tout : Orwell avait une prédilection pour les endroits isolés et inconfortables. Lorsqu’il travaillait sur 1984, il s’était retiré dans une cabane spartiate située sur l’île de Jura, en Écosse, une région sauvage et reculée accessible uniquement par des sentiers escarpés. La cabane, sans électricité ni eau courante, lui servait de refuge pour s’immerger pleinement dans l’écriture de ce qui allait devenir son dernier chef-d’œuvre. Cette décision n’était pas sans risques : Orwell souffrait déjà de tuberculose, et les conditions humides et froides de Jura aggravèrent considérablement son état de santé. Pourtant, il persista, convaincu que l’isolement total et l’absence de distractions extérieures étaient essentiels pour atteindre la clarté et la profondeur qu’il recherchait dans ses écrits.

Son emploi du temps sur l’île était tout aussi discipliné que ses méthodes d’écriture. Il se levait tôt, consacrant une partie de sa matinée à des tâches domestiques comme couper du bois ou entretenir son potager. Le reste de la journée, il s’installait à son bureau, souvent vêtu de vêtements en laine pour lutter contre le froid mordant. Malgré sa faiblesse physique, il travaillait avec une détermination presque obsessionnelle, rédigeant plusieurs versions des chapitres de 1984 à la main ou sur sa machine à écrire. Ce processus laborieux reflétait son approche perfectionniste : chaque phrase devait être ciselée, chaque mot choisi avec soin pour transmettre ses idées complexes sur le pouvoir, la liberté et la manipulation.

ronnie leask / Barnhill, North Jura

Orwell avait aussi un rapport particulier avec son environnement. Lorsqu’il vivait ailleurs qu’à Jura, il choisissait souvent des lieux de travail qui n’étaient pas spécialement accueillants : des hangars à outils, des cabanes ou des pièces rudimentaires. Il croyait fermement que l’inconfort physique l’aidait à rester alerte et productif, une idée qui s’inscrivait dans sa philosophie personnelle d’auto-discipline et de résistance à la complaisance.

Cependant, ces habitudes ne se limitaient pas à son cadre de travail. Orwell était tout aussi méthodique dans son rapport à l’actualité, qu’il considérait comme essentielle pour nourrir son œuvre. Chaque matin, il lisait les journaux avec attention, puis il s’attaquait à son écriture avec des objectifs clairs. Il voyait la littérature comme une arme contre l’oppression et le mensonge, et chaque mot qu’il écrivait devait contribuer à cette mission.

Ce mode de vie rigoureux, voire ascétique, n’était pas sans conséquences. En 1947, la tuberculose d’Orwell s’aggrava, et il passa les derniers mois de sa vie dans un sanatorium, où il poursuivit néanmoins la révision de 1984. Cet acharnement témoigne de son dévouement absolu à son art, mais aussi de son caractère complexe, à la fois implacable envers lui-même et profondément humaniste dans ses idéaux.

Ainsi, les habitudes d’écriture d’Orwell, bien qu’étranges et parfois extrêmes, étaient le reflet d’une personnalité habitée par une quête inlassable de vérité. Ses rituels austères, son amour de l’isolement et sa discipline de fer lui ont permis de produire des œuvres d’une puissance intemporelle.


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