Léon Tolstoï est un écrivain russe majeur du XIXᵉ siècle, auteur de romans devenus des œuvres fondamentales de la littérature mondiale. Connu notamment pour Guerre et Paix et Anna Karénine, il développe une réflexion profonde sur la morale, la société, la guerre, l’amour et la condition humaine. Son œuvre est régulièrement étudiée au lycée et à l’université, notamment dans le cadre des analyses littéraires et comparatives.
- Repères biographiques
- Les principales œuvres de Léon Tolstoï
- Les grands thèmes chez Tolstoï
- Le style et l’écriture
- Léon Tolstoï dans les programmes scolaires
- Pour aller plus loin
Repères biographiques
Léon Nikolaïévitch Tolstoï naît le 9 septembre 1828 (calendrier grégorien) dans le domaine familial de Iasnaïa Poliana, près de Toula en Russie. Quatrième fils du comte Nicolas Ilitch Tolstoï et de la princesse Marie Volkonskaïa (famille aristocratique de vieille noblesse russe), il est orphelin à l’enfance : sa mère meurt quand il a deux ans, puis son père en 1837. Élevé par ses tantes dans ce domaine, il grandit parmi les vastes bois et les paysans attachés à la propriété.
Après des études secondaires à Kazan, il entre à l’université de Kazan où il étudie les langues orientales puis le droit, mais il abandonne rapidement les cours (en 1847) pour gérer sa part d’héritage à Iasnaïa Poliana. Léon Tolstoï meurt le 20 novembre 1910 à Astapovo, emporté par une pneumonie alors qu’il voyage pour échapper à sa vie mondaine. Son corps est ramené pour être inhumé sur sa terre natale.

Au niveau du contexte historique, Tolstoï vit pendant l’Empire russe de l’époque des tsars. Né sous Nicolas Ier (1825-1855) et mort sous Nicolas II (1894-1917), il connaît un pays profondément autocratique et agraire. Le système du servage perdure durant une grande partie de sa vie : ce n’est qu’en 1861 qu’Alexandre II promulgue l’abolition du servage pour libérer quelque 22 millions de paysans. Tolstoï participe lui-même à la guerre de Crimée (1853-1856) comme officier subalterne et défend vaillamment la forteresse de Sébastopol assiégée. Les thèmes napoléoniens marquent aussi son époque : les mémoires russes retiennent vivement la campagne de 1812 contre Napoléon. En fait, Guerre et Paix, son grand roman écrit dans les années 1860, relate cette guerre de 1812 (incendie de Moscou, bataille de la Moskova) vécue par les générations précédentes. Au plan politique, l’Empire amorce quelques réformes (juridiques et militaires) sous Alexandre II, mais la société reste inégalitaire. Les observateurs étrangers soulignent que la noblesse terrienne russe est souvent très attachée à ses privilèges et résistante au changement.
Tolstoï a grandi dans le vaste domaine de Iasnaïa Poliana en Russie, propriété agricole de sa famille où de nombreux paysans (les serfs) cultivaient la terre. Ce milieu aristocratique explique son statut de comte et son aisance financière. Il est formé chez des préceptrices, parle le français et voyage en Europe, une culture courante chez la noblesse russe de l’époque.
Enfin, parlons de son milieu social. Issu de la grande noblesse terrienne, Tolstoï hérite d’un domaine de plusieurs centaines d’hectares exploité par des serfs. Très tôt, il est conscient de ce statut : après l’émancipation de 1861, il est nommé « arbitre de paix » (jugé de paix) dans le gouvernorat de Toula pour réguler les relations entre anciens serfs et propriétaires, tout en rappelant qu’il demeure le comte Tolstoï. Cette double identité : aristocrate et « ami des humbles » marque son parcours. Sa famille, comme toute la noblesse éclairée, s’intéresse aux idées nouvelles mais reste ancrée dans un mode de vie seigneurial. Sa jeunesse dorée, alternant séjours en ville (Moscou, Saint-Pétersbourg) et à la campagne, explique son éducation éclectique, études universitaires et apprentissage de la langue française, entre autres.

Les principales œuvres de Léon Tolstoï
Guerre et Paix : fresque historique monumentale mêlant destin individuel, guerre napoléonienne et réflexion philosophique sur l’Histoire.
Le Diable : récit bref et troublant sur la passion destructrice, la culpabilité morale et le conflit entre désir et devoir.
Le Bonheur conjugal : nouvelle introspective analysant l’évolution du sentiment amoureux et les désillusions du mariage.
Les Cosaques – Roman d’apprentissage opposant civilisation et nature, centré sur la quête identitaire et morale d’un jeune aristocrate russe.
La Sonate à Kreutzer : Récit polémique sur le mariage, la jalousie et la sexualité, nourri par une réflexion morale radicale.
Lettres au tsar : Ensemble de lettres engagées dans lesquelles Tolstoï exprime sa critique du pouvoir, de la violence et de l’autorité politique.
Les grands thèmes chez Tolstoï
La guerre et l’Histoire
Tolstoï remet en question la vision héroïque et stratégique de la guerre. Il la représente comme une expérience humaine chaotique, faite de souffrances individuelles et de décisions souvent insignifiantes en apparence. Cette réflexion traverse notamment Guerre et Paix, où l’auteur conteste l’idée que l’Histoire serait guidée par quelques grands hommes.
La morale et la responsabilité individuelle
Une interrogation morale profonde parcourt toute l’œuvre de Tolstoï : comment agir justement ? Jusqu’où l’individu est-il responsable de ses actes ? Cette question apparaît aussi bien dans les grands romans que dans les récits courts, notamment lorsque les personnages sont confrontés à la culpabilité, au remords ou à la tentation.
L’amour, le mariage et la jalousie
Tolstoï analyse les relations amoureuses comme des espaces de conflit entre désir personnel, normes sociales et souffrance morale. Loin de toute idéalisation, le mariage est souvent présenté comme une institution fragile, génératrice de frustrations et de violences symboliques, en particulier dans Anna Karénine et La Sonate à Kreutzer.
La critique sociale et les conventions
Les romans de Tolstoï mettent en lumière l’hypocrisie et l’artificialité des milieux aristocratiques. Les conventions sociales, les codes mondains et les attentes collectives étouffent souvent les individus, créant un profond malaise moral et existentiel perceptible dans plusieurs de ses œuvres.
La nature
Tolstoï oppose fréquemment la vie sociale, jugée artificielle, à une existence plus simple, proche de la nature et des rythmes fondamentaux de la vie. Cette aspiration à l’authenticité se manifeste notamment dans Les Cosaques, où la nature apparaît comme un espace de vérité morale.
La foi
À partir de la maturité de l’écrivain, la réflexion religieuse devient centrale. Tolstoï développe une pensée spirituelle personnelle, critique envers les institutions religieuses, et orientée vers une morale exigeante fondée sur la non-violence et la responsabilité individuelle.
Le pouvoir politique
Tolstoï adopte une position critique face à l’autorité politique et à la légitimité de la violence institutionnelle. Cette réflexion apparaît clairement dans ses écrits engagés, notamment lorsqu’il dénonce la coercition, l’obéissance aveugle et l’injustice exercée au nom de l’État.
Le style et l’écriture
Ouvrir un roman de Tolstoï, c’est comme regarder un film en ultra-haute définition où l’on pourrait lire dans les pensées. Son écriture ne cherche pas à faire « littéraire » ou sophistiqué. Au contraire, il utilise la dialectique de l’âme, c’est à dire la réalisme total. Il traque le moindre petit changement d’humeur, la sensation physique qui provoque une émotion, comme un zoom d’appareil photo qui passerait du battement d’un cil à une immense scène de guerre. C’est cette ampleur qui frappe : il relie sans cesse le destin d’un seul homme aux grands mouvements du monde, sans jamais perdre le fil de l’humain.
Sa technique de narration préférée est un électrochoc : la défamiliarisation. Il décrit des choses banales (un bal, un opéra, un tribunal) comme s’il les découvrait pour la première fois. En enlevant les étiquettes habituelles, il nous force à voir l’absurdité et les mensonges du monde social. Ses phrases ne sont pas là pour être jolies, elles sont là pour être vraies. Elles sont parfois longues et pleines de répétitions parce qu’elles épousent le rythme de la vie réelle, qui ne suit pas une ligne droite mais avance par vagues, avec des moments de creux et des accélérations soudaines.
Enfin, derrière chaque page, il y a un regard moral implacable. Tolstoï n’est pas là pour vous divertir, il cherche une vérité sur la façon de vivre. Il dépouille son style de tout l’inutile pour aller vers une simplicité presque biblique, surtout dans ses derniers textes. Il oppose sans cesse la vanité des villes et du pouvoir à la vérité de la nature et de la simplicité. En lisant Tolstoï, on ne suit pas juste une intrigue, on traverse une expérience qui nous demande : « Au fond, qu’est-ce qui est vraiment important dans la vie ? »
Léon Tolstoï dans les programmes scolaires
Sans figurer partout de manière strictement obligatoire, Léon Tolstoï occupe une place solide et durable dans les programmes scolaires et universitaires, en France comme à l’international. Son œuvre est régulièrement mobilisée pour sa richesse narrative, sa profondeur morale et sa capacité à nourrir des lectures comparées.
Dans le secondaire comme dans le supérieur, Tolstoï apparaît souvent dans les listes de lectures conseillées, notamment pour aborder le grand roman du XIXᵉ siècle, le réalisme et la réflexion éthique.
Les enseignants privilégient généralement des œuvres accessibles par extraits ou par parcours ciblés, comme Anna Karénine, qui permet d’aborder à la fois la passion amoureuse, la norme sociale et la condition féminine, ou La Sonate à Kreutzer, souvent étudiée pour sa brièveté et sa force polémique.
Tolstoï est très fréquemment convoqué dans des études comparées. Ses textes sont mis en regard avec ceux de Balzac, Flaubert, Zola ou encore Dostoïevski afin d’interroger différentes conceptions du roman réaliste, du personnage et de la morale.
À l’université, ces comparaisons permettent de réfléchir à la spécificité du roman russe, à la question du déterminisme social, ou encore à la tension entre individu et société.
Enfin, certaines œuvres reviennent de manière récurrente dans les analyses scolaires et académiques. Guerre et Paix est régulièrement étudié, au moins par extraits, pour sa construction monumentale et sa réflexion sur l’Histoire. Les nouvelles et récits courts, comme Le Bonheur conjugal ou Les Cosaques, sont également appréciés pour un travail précis sur le point de vue, la psychologie et l’évolution des personnages.
Tolstoï n’est donc pas seulement un « grand nom » du patrimoine littéraire : il est un auteur-pivot, utilisé pour apprendre à lire un roman dans toute sa complexité, à croiser les œuvres et à interroger les valeurs qu’elles mettent en jeu.
Pour aller plus loin
- Littérature russe
- Dostoïevski
- Tourgueniev

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