La poésie est protéiforme. Elle peut devenir ce long cri qui jaillit par la plume d’un stylo et vient heurter les rivages d’une île-feuille. Un bruit sourd déversant son intimité sur la texture sablée d’un morceau de papier. Un flot ininterrompu de mots.
Le recueil poétique XXI (1) de Kama Datsiottié est cette plainte nostalgique perdue au milieu d’un siècle, le nôtre. Telle une bouteille à la mer, la poésie de l’auteur semble être un aveu d’impuissance face à un monde qui lui échappe. Alors que reste-il quand tout fout le camp? … Il reste les mots.
Les poèmes de Datsiottié sont une mise à nu de la souffrance. Une descente vers les entrailles noires de l’intimité. Ses vers sont rarement contemplatifs mais chevillés à une douleur diffuse. C’est finalement la mise en page aérée et élégante qui m’aura donné une bouffée d’oxygène bien nécessaire entre deux poèmes au noir intense.
Les plus beaux textes du recueil XXI sont finalement ceux où l’auteur donne du leste à la noirceur pour se remémorer de fugaces mais précieux instants de beauté.
Souvenirs d’hier
J’ai repoussé le portique
De ma tendre enfance
Où les maisons sont de brique
Et sols en faïence.
Dans la petite cour droite,
Nous jouions ensemble ;
Nos mains étaient maladroites
De creuser le sable,
Qui, comme le temps, nous glisse
Entre les doigts fins.
Pourtant, nos deux mains pâtissent
Des châteaux défunts !
Notre mère bienveillante ;
Donnait le goûter
Aux quatre heures trébuchantes
Et le lait sucré,
Sur la grande table en bois
Du salon » bistrot »
Où l’on servait aux temps froids
Du chocolat chaud.
Puis, lorsque venait le soir,
Nous dormions ensemble,
Tous les quatre dans le noir,
Heureux ; il me semble … (2)
En définitive, je suis certain que ce livre trouvera sa place dans ma bibliothèque et il ne serait pas étonnant que je le ressorte d’ici quelques années pour piocher quelques poèmes au pif.
(1) DIATSIOTTIÉ K., XXI, Editions Illador, 2020.
(2) Ibid., P.11
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