Et si notre cerveau était un organe moqueur ? Une pieuvre tentaculaire douée d’ironie qui amasse une quantité monstrueuse d’informations, les classe dans un endroit introuvable et les remet à disposition uniquement quand elle le décide. Qui n’a jamais vécu un de ces moments où l’on a un mot sur le bout de la langue sans jamais réussir à le retrouver ? Votre cerveau céphalopode avait ce précieux vocable mais il se bidonnait de vous voir agacé et si proche du but. Vous pédaliez dans la choucroute tant qu’il ne daignait pas vous laisser accéder à l’information tant recherchée. Plus vous quémandiez plus il se jouait de vous, les neurones hilares de votre situation ridicule.
Nous ne sommes alors que pantins à la merci de notre encéphale qui tire sur les ficelles à sa guise. Dans le jargon actuel on dirait de notre cerveau qu’il est un … manipulateur pervers narcissique. Ce malin est capable du meilleur comme du pire. Tantôt il échafaude de brillantes idées et nous aide à les réaliser, tantôt il reste porte close et nous indique le chemin casse-gueule de la facilité. C’est qu’il est difficile à dompter le bougre !
Alors pourquoi ne pas tenter de l’apprivoiser à nouveau avec une petite analyse d’une œuvre classique parmi les classiques ? Celui du roman Zadig ou la Destinée (1) par exemple. Tentons l’expérience. 😉
L’histoire
Les faits se déroulent dans des temps immémoriaux où tous les chemins mènent à la ville de Babylone. Zadig est un jeune homme aux nombreuses qualités mais, comme tout un chacun, est confrontée aux mésaventures de la vie. Les siennes sont autant périlleuses que rocambolesques et le feront parcourir le monde. Il rencontrera l’injustice, l’amour, la cruauté, le succès, les désillusions, … mais finira par revenir à Babylone et à devenir ce pour quoi il est destiné : être roi.
L’ironie voltairienne
Zadig ou la Destinée est un conte philosophique directement plus accessible que Candide, l’autre grande œuvre de Voltaire. L’auteur français nous emmène avec facilité dans les petites histoires du personnage principal qui sont autant de mini contes, la plupart ponctués par une morale clairement distincte et jamais avare de phrases qui font mouche « L’amour propre est un ballon gonflé de vent, dont il sort des tempêtes quand on lui fait une piqûre. » (P.26) ou de situations mordantes typiques de l’esprit voltairien comme celle où Zadig fut condamné à payer une somme d’argent avant d’être acquitté et d’être remboursé du même montant … moins une ribambelle de frais :
« Le roi ordonna qu’on lui rendît l’amende des quatre cents onces d’or à laquelle il avait été condamné. Le greffier, les huissiers, les procureurs, vinrent chez lui en grand appareil lui rapporter ses quatre cents onces ; ils en retinrent seulement trois cent quatre-vingt-dix-huit pour les frais de justice, et leurs valets demandèrent des honoraires. » (2)
Certes, l’ironie voltairienne s’immisce dans ce roman par petites touches et ne représente pas l’intérêt premier du livre mais on ne peut l’éviter quand elle surgit tellement elle semble actuelle.
Le destin
Comme l’indique le titre du roman, Zadig est pris dans un tourbillon de péripéties qui n’est autre que sa destinée. En effet, chaque aléa de la vie participe au destin du personnage principal qui est de devenir roi. Tels des dominos chaque évènement enclenche le suivant dans le but d’arriver à un endroit précis que l’on appelle le destin. Ainsi la liberté individuelle de Zadig est sans cesse confrontée à un ordre immuable des choses. D’un côté il subit des coups du sort et d’un autre côté son intelligence lui permet de s’en extirper.
En conclusion, Zadig ou la Destinée est un court roman permettant d’entrer dans la pensée de Voltaire à peu de frais. Certes, il ne s’agit ici qu’une infime partie de la production de l’auteur mais cela est déjà assez pour avoir un aperçu de ce qui a fait sa renommée : Une écriture racée, un esprit affuté qui utilisa les variations de la langue française pour faire passer ses messages.
Ce conte philosophique est à lire non seulement pour tenter de comprendre ce grand écrivain mais aussi pour entrer dans le siècle des Lumières par un ouvrage accessible.
À bientôt,
(1) VOLTAIRE, Zadig ou la Destinée, Éditions Gallimard, 1979.
(2) Ibid., P.40
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