📑 TABLE DES MATIÈRES
- Le poème
- 🔎 L’analyse du poème
- Une danse macabre revisitée par Rimbaud
- Une structure poétique classique au service du macabre
- Des images grotesques et saisissantes
- Une ironie grinçante
- Conclusion
Le poème
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles
Se heurtent longuement dans un hideux amour.Hurrah ! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !
Belzébuth enragé racle ses violons !Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale !
Presque tous ont quitté la chemise de peau ;
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes !
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
Les loups vont répondant des forêts violettes :
A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre :
Et, se sentant encor la corde raide au cou,Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
🔎 L’analyse du poème
Arthur Rimbaud, alors âgé de seize ans en 1870, écrit « Le Bal des pendus » lors de son adolescence fulgurante où il compose la plupart de ses poèmes de jeunesse. Ce texte fait partie des célèbres Cahiers de Douai. D’emblée, le titre « Le Bal des pendus » attire l’attention par son caractère paradoxal et provocateur : il associe l’idée joyeuse d’un bal à celle, macabre, des pendus. Rimbaud s’inscrit ici dans la tradition littéraire de la danse macabre, un motif né au Moyen Âge représentant la Mort entraînant tous les humains dans une ronde égalitaire. Cependant, loin de la tonalité suppliante de la « Ballade des pendus » de François Villon au XVe siècle – où les condamnés implorent la pitié des vivants – Rimbaud propose une vision radicalement différente, empreinte d’ironie noire et de sarcasme.
Dans ce poème, Rimbaud met en scène un véritable carnaval macabre : au pied d’un gibet, les squelettes de pendus s’animent et dansent sous la houlette du diable en personne, Messire Belzébuth. La scène, à la fois grotesque et terrifiante, se déploie avec une richesse visuelle et sonore remarquable. Le jeune poète y mêle un imaginaire médiéval (paladins, damoiselles, croisés) à un ton railleur et blasphématoire surprenant. L’ensemble du poème oscille entre le lugubre et le burlesque, le sacré parodié et le trivial, ce qui le rend particulièrement intéressant à étudier pour comprendre l’art de Rimbaud et son message.
Nous proposons une analyse approfondie de « Le Bal des pendus » en examinant d’abord la filiation du poème avec la tradition de la danse macabre et la manière dont Rimbaud s’en empare, puis la structure et les images frappantes qui donnent vie à ce bal sinistre, avant de dégager l’ironie grinçante et la portée critique de cette macabre sarabande.
Une danse macabre revisitée par Rimbaud
Rimbaud s’inspire ouvertement du folklore et de la littérature médiévale pour camper le décor de son « Bal des pendus ». Le titre évoque la « Ballade des pendus » de Villon, mais là où Villon donnait la parole aux morts pour attendrir les vivants, Rimbaud fait tout l’inverse : il prive les pendus de voix propre et les transforme en marionnettes désarticulées manipulées par le diable. Le poète revisite donc la tradition de la danse macabre – ces représentations où la Mort convie toutes les classes sociales à danser vers la tombe – en y injectant sa propre verve moqueuse. Il ne s’agit plus d’une leçon de moralité chrétienne sur l’égalité devant la mort, mais d’une sarabande satanique où les morts condamnés deviennent les jouets d’une farce cruelle.
Plusieurs éléments ancrent le poème dans un univers d’évocation médiévale. Le lexique notamment fourmille de termes anciens ou chevaleresques : Rimbaud parle de « paladins », de « preux », de « gentes damoiselles », de « capitans » (pour capitaines) ou encore emploie le mot vieilli « moustier » (pour monastère). Ces choix lexicaux confèrent au texte une couleur archaïsante, rappelant les vieux récits de croisades et les légendes de chevalerie – mais c’est pour mieux les détourner. En effet, les nobles chevaliers d’antan sont ici qualifiés de « paladins du diable », suggérant qu’ils servent non pas Dieu mais Belzébuth. De même, les fières dames (gentes damoiselles) n’existent plus que dans le souvenir : leurs élégantes étreintes d’autrefois contrastent ironiquement avec l’étreinte actuelle des squelettes, qualifiée de « hideux amour ». Ces références médiévales familières au lecteur cultivé créent l’ambiance d’une vieille légende, tout en soulignant la chute grotesque de ces figures héroïques dans la déchéance. Il va jusqu’à évoquer le nom de Saladin, l’ennemi historique des Croisés, en parlant ironiquement de « squelettes de Saladins » : ainsi, même l’adversaire de la Chrétienté devient ici synonyme de damnation, ce qui accentue la dimension satanique et moqueuse du tableau.
Une structure poétique classique au service du macabre
Malgré son jeune âge et son esprit rebelle, Rimbaud démontre dans ce poème une grande maîtrise des formes poétiques traditionnelles. « Le Bal des pendus » est construit de manière très régulière : il comporte onze quatrains (onze strophes de quatre vers chacun). Les vers utilisés sont majoritairement des alexandrins (vers de douze syllabes, le mètre noble de la poésie française classique), à l’exception notable du premier et du dernier quatrain qui sont en octosyllabes. Ces deux quatrains identiques, ouvrant et fermant le poème tels un refrain, créent une structure en boucle qui donne l’impression d’une ronde sans fin. En effet, en terminant le texte par la même strophe qu’à l’ouverture, Rimbaud suggère que la danse macabre des pendus est éternelle, condamnée à se rejouer encore et encore sous le gibet noir. Ce procédé du refrain, emprunté aux formes médiévales (rondeaux, ballades), ancre un peu plus le poème dans un registre traditionnel tout en soulignant son aspect cyclique et inéluctable.
Le schéma des rimes est soigné et régulier, souvent en rimes croisées (ABAB) dans chaque quatrain, ce qui renforce la musicalité du texte. Par exemple, dans le quatrain d’ouverture (qui revient en clôture), « aimable » rime avec « diable » et « paladins » avec « Saladins ». On note d’ailleurs l’ironie de la rime aimable/diable, associant par le son deux idées opposées. Cette harmonie formelle volontaire contraste avec le chaos macabre décrit, créant un décalage saisissant entre la forme et le fond. En effet, la rigueur classique de la versification (alexandrins bien cadencés, rimes équilibrées) encadre un sujet délirant et morbide. Le poème a ainsi des allures de danse réglée au millimètre, alors même qu’il décrit une scène déchaînée.
L’usage de l’alexandrin, habituellement réservé à des thèmes nobles, confère ici une solennité ironique aux horreurs décrites. Chaque vers déroule majestueusement ses douze syllabes, comme un pas de danse cérémonieux, tandis que le contenu évoque des squelettes grotesques. Par exemple, Rimbaud écrit : « Le gibet noir mugit comme un orgue de fer ! ». La coupe classique de l’alexandrin s’y retrouve, et l’image évoque un orgue d’église – sauf qu’il est « de fer » et qu’il s’agit du gibet qui gronde. Ce détournement d’un symbole sacré (l’orgue) en musique funèbre amplifie l’impression d’une messe macabre parfaitement orchestrée. De même, les exclamations qui ponctuent le poème (« Hurrah ! », « Hop ! », « Holà ! ») tombent souvent en début de vers, respectant le rythme tout en introduisant une vivacité carnavalesque. Rimbaud marie ainsi la cadence classique et des interjections familières de manière audacieuse. La forme fixe, presque académique, met en valeur l’extravagance du propos : c’est parce que le cadre est solide que la folie de la danse ressort avec autant d’impact.
Enfin, la structure circulaire du poème (avec la reprise du premier quatrain à la fin) lui donne une impression d’achèvement parfaite tout en suggérant que la ronde macabre continue hors du texte. Cette clôture en écho, après le climax de la scène, agit comme une retombée brutale. On revient soudain à l’observateur initial et à la vision statique du gibet noir, comme si rien n’avait vraiment changé. Ce bouclage formel souligne l’aspect vain et fatal de la danse : les pendus sont pris dans un cycle infernal dont ils ne s’échappent pas. Rimbaud, par cette construction astucieuse, donne à son poème la forme d’un tableau parfaitement composé aux contours classiques, au sein duquel il déchaîne une imagination grinçante et provocatrice.
Des images grotesques et saisissantes
Dès les premiers vers, Rimbaud plante un décor macabre très imagé. Le « gibet noir » est d’emblée personnifié en « manchot aimable », une formule ironique qui donne le ton : la potence, sinistre instrument de mort, est présentée comme un compagnon charmant (par antiphrase bien sûr). Autour de ce gibet, les pendus s’animent comme de lugubres pantins. Le poète les appelle « les paladins du diable » ou « squelettes de Saladins », détournant des termes héroïques pour souligner leur état de cadavres au service du Mal. Ces morts deviennent des marionnettes : Belzébuth, le maître de cérémonie, les « tire par la cravate » et les fait danser à sa guise. Il les gifle d’un « revers de savate » (un geste grotesque) et les entraîne à danser « aux sons d’un vieux Noël ». L’image de ces pendus qui gigotent au rythme d’un chant de Noël – musique sacrée par excellence – est à la fois burlesque et sacrilège, accentuant l’aspect de farce macabre.
Les tableaux décrits par Rimbaud mêlent l’horrible au comique de manière très visuelle. Les squelettes enlacent leurs « bras grêles » les uns aux autres et leurs poitrines décharnées se heurtent dans un « hideux amour », parodie sinistre d’une valse romantique. Ils n’ont plus « de panse » du tout : allégés de toute chair, ces « gais danseurs » peuvent cabrioler librement au bout de leurs cordes. Presque tous ont perdu leur « chemise de peau » (leur enveloppe charnelle) et il ne reste guère qu’un « morceau de chair » tremblant à quelques mâchoires – détail gore que Rimbaud glisse pour mieux nous faire frissonner. Pourtant, loin de s’apitoyer, le poète s’exclame joyeusement et encourage la sarabande infernale.
Le décor environnant intensifie l’atmosphère fantastique. La neige tombe et « applique un blanc chapeau » sur les crânes nus des pendus, comme pour se moquer en couvrant d’une touche candide ces têtes de mort. Un corbeau vient se poser et « fait panache » sur ces « têtes fêlées », tel un plumet noir ornant grotesquement les restes d’un soldat. Le vent « bise » siffle et le gibet lui-même « mugit comme un orgue de fer », produisant un grondement lugubre qui tient lieu de musique d’église satanique. Au loin, les loups hurlent « des forêts violettes », et à l’horizon un ciel « rouge d’enfer » embrase la scène. Tous ces éléments confèrent à la danse des pendus un cadre apocalyptique : on se croirait aux portes de l’Enfer, au son d’un orgue infernal et sous la lueur sanglante du ciel.
Enfin, la macabre comédie atteint son sommet lorsqu’un squelette dément se met à bondir hors de la ronde. « Un grand squelette fou » jaillit dans le ciel, entraîné par l’élan de la danse – tel un acrobate qui se projette hors de la piste. La corde raide autour de son cou le retient brusquement, et l’on entend ses os craquer ; le pendu s’agrippe à son propre fémur dans un ultime spasme, tandis qu’éclate un rire grinçant (« des ricanements »). Ce numéro grand-guignolesque, comparé à celui d’un « baladin » de foire, se conclut par la retombée de ce squelette dans le bal, au milieu du « chant des ossements » qui cliquettent. Rimbaud offre ainsi une scène finale digne d’un cauchemar carnavalesque, poussant à l’extrême le mélange du terrifiant et du bouffon.
Une ironie grinçante
Au-delà de ses images frappantes, « Le Bal des pendus » se distingue par un ton ironique omniprésent qui lui donne toute sa saveur. Rimbaud ne décrit pas la scène de manière neutre ou pathétique : il la raconte avec un recul moqueur, adoptant tour à tour la posture d’un commentateur goguenard ou d’un maître de ballet infernal. Les interjections et apostrophes jalonnant le texte créent une connivence grinçante avec le lecteur, comme s’il était invité lui aussi à assister – hilare – à ce spectacle funèbre. Les « Hurrah ! », « Hop ! » et « Holà ! » retentissent ainsi à contre-emploi : on acclame d’ordinaire des danseurs triomphants, ici ces exclamations servent à encourager des cadavres oscillants. De même, le narrateur apostrophe ses macabres figurants : « Holà, secouez-moi ces capitans funèbres… Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés ! ». Ce langage familier et irrévérencieux contribue au registre burlesque. Le narrateur (ou Belzébuth lui-même) intime aux pendus qu’ils ne sont pas au monastère : autrement dit, fini le temps des prières et de la componction, place à la danse diabolique ! Ce cri – « Ce n’est pas un moustier ici » – symbolise bien la philosophie du poème : aucune pitié, aucune solennité sacrée n’est de mise dans ce bal, seulement la dérision et le blasphème.
Rimbaud s’amuse en effet à subvertir le sacré et les valeurs traditionnelles. Les pendus, au lieu d’inspirer la compassion chrétienne comme chez Villon, deviennent des objets de raillerie. Le poète multiplie les images profanatrices : faire danser les morts sur un chant de Noël est d’une audace provocatrice, tout comme transformer un rosaire religieux en « chapelet d’amour » égrené le long des vertèbres des pendus. Chaque symbole religieux présent est retourné de façon sarcastique : le monastère (moustier) est nié, le chant sacré est tourné en musique de foire, la dignité des âmes est bafouée par la marionnette satanique. On retrouve là le rejet de la morale bien-pensante et de la religion hypocrite que Rimbaud, élevé dans un milieu très pieux, exprime dans plusieurs de ses premiers écrits. Rien n’est sacré dans ce bal lugubre, si ce n’est le pouvoir du rire grinçant du poète face à la mort.
Par ailleurs, le poème laisse transparaître une satire sociale mordante. En affublant les pendus de titres valorisants tournés en dérision (paladins, preux, capitans), Rimbaud vise possiblement les puissants de son époque. On peut voir dans ces pendus grotesques l’image de nobles ou de bourgeois qui, une fois morts, perdent toute leur superbe et deviennent la risée du diable. Les « gais danseurs » sans ventre pourraient évoquer ces bourgeois jadis repus, maintenant amaigris par la mort. De même, les armures transformées en « armures de carton » suggèrent que la gloire militaire ou aristocratique n’était qu’un décor fragile face à la faucheuse. Rimbaud, adolescent révolté en 1870, semble régler ses comptes avec l’ordre établi : les puissants tomberont comme les autres, et leur chute n’en sera que plus risible. Même la notion de justice est tournée en ridicule : ces hommes ont été condamnés par la justice humaine, pendus haut et court, mais voilà qu’ils subissent une forme de « justice » encore supérieure, celle de l’éternelle dérision orchestrée par Belzébuth. On n’éprouve pour eux aucune compassion – bien au contraire, ils sont exhibés en pantins ridicules. Ce renversement de perspective trahit le refus de toute sensiblerie larmoyante : Rimbaud choisit le rire noir plutôt que les pleurs, l’insolence plutôt que la moralisation. C’est en cela un poète résolument iconoclaste, qui n’hésite pas à choquer le « bon goût » bourgeois pour révéler, en filigrane, l’hypocrisie et la vanité de la condition humaine.
Conclusion
En fin de compte, ce « bal » de pendus orchestré par Rimbaud est une danse littéraire magistrale, à la fois choquante et fascinante. En quelques strophes parfaitement maîtrisées, le jeune poète mêle la tradition et la subversion, l’horreur et le rire, le sublime de la forme classique et le grotesque du contenu. « Le Bal des pendus » frappe par son imagerie flamboyante – ces squelettes moqueurs qui tournoient sous un ciel rouge ne s’oublient pas – et par son ironie mordante qui bouscule les attentes du lecteur. Rimbaud y détourne avec brio le motif médiéval de la danse macabre pour en faire une ronde sarcastique où tout ce qui était sacré ou respectable (la religion, la justice, l’héroïsme chevaleresque) est renversé ou profané. La mort elle-même, au lieu d’être traitée avec gravité, devient un spectacle bouffon, ce qui en dit long sur l’esprit de révolte et la liberté de ton du poète.
Ce poème offre donc un double intérêt pour son public : d’une part, il permet d’admirer la virtuosité formelle de Rimbaud – sa capacité à rythmer un texte comme une partition, à jouer des images et des sonorités avec une précision d’orfèvre – et d’autre part, il incite à réfléchir à la portée de son message. Sous l’humour noir et la fantaisie macabre se dessine une vision du monde où les hiérarchies sont abolies, où la mort ridiculise les vanités humaines, et où le poète, lucide et iconoclaste, s’érige en témoin goguenard du grand théâtre tragique de l’existence.
En définitive, « Le Bal des pendus » est un morceau d’anthologie de la poésie rimbaldienne de jeunesse. Arthur Rimbaud y fait preuve d’une audace et d’une imagination débridées qui préfigurent déjà le génie de ses œuvres ultérieures. Il n’hésite pas à « épater le bourgeois » – c’est-à-dire à choquer son époque – en transformant un sujet macabre en farce grandiose. À la fin de la lecture, il reste au lecteur des images et des sons inoubliables : ces paladins squelettiques qui dansent au gré du vent, ce violon du diable qui grince un air de Noël sacrilège, et comme un éclat de rire sinistre lancé à la face de la mort elle-même. Rimbaud, du haut de ses seize ans, réussit à faire de la pourriture des pendus une œuvre d’art étincelante d’ironie – une façon pour lui de narguer la mort et les puissants, en nous conviant, nous aussi, à ce bal éternel où rien n’est sérieux, sinon le talent insolent du poète.

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