Samedi 7 janvier 2023
Le début
« Cette année j’arrête de fumer, j’entame un régime, je commence le sport, c’est promis juré. Cette année, je divorce, je lui dis ses quatre vérités et je mets les voiles, c’est certain à 100%. Cette année je change de travail, de ville, de région, de pays, de vie, c’est une certitude absolue ! » Cette année je serai plus ceci, cette année je serai moins cela. Balivernes que tout cela ! Nous savons tous que les bonnes résolutions du premier janvier sont faites pour ne pas être tenues.
J’habite, depuis peu, à la porte des Ardennes, et ne pas découvrir l’environnement qui m’entoure serait une honte absolue. Si je n’arrive pas à profiter de ce que la nature m’offre en ce moment, je ne profiterai jamais de rien. Du coup, moi aussi je me suis fait une promesse le jour de l’an, celle de marcher ! Loin des écrans, du tumulte, des livres et du ressassement incessant de l’esprit. Cette fois-ci je m’offre une pause au grand air et suis décidé à tordre le cou aux résolutions que l’on ne tient pas. Fini les excuses bidons et la sempiternelle rengaine du j’ai pas l’temps.
Je trifouille au grenier à la recherche de ceux qui m’accompagneront dans cette entreprise, à savoir mes vieilles godasses de randonnée et un sac à dos. Où diable peuvent-ils se trouver dans tout ce bazar ? Il faut dire que cela fait déjà six mois que j’ai fuis le tambour de la ville pour m’installer dans la vallée de l’Amblève et je n’ai pas encore pris le temps de me poser, perdu entre les travaux interminables de la maison et un métier qui me grignote même des morceaux de week-end. Il y a une foultitude de caisses de déménagement qui n’ont pas encore été ouvertes. Je les ouvre une à une et c’est dans l’une d’entre elles que je trouve ceux qui vont devenir mes compagnons de route. Ils sont dans un état tout à fait respectable malgré leur décennie d’existence : les bottines ont encore quelques éclats de boue séchée, traces d’une époque où je marchais beaucoup. Et puis voici le sac, élimé sur les brides, moche comme un poux mais il m’a déjà rendu de fiers services et il est temps de le remettre au travail ! Je regarde par la petite fenêtre du grenier, j’y vois des pointes d’épicéas se balancer tendrement à l’unisson. Sans doute est-ce un appel pour me dire qu’il est l’heure de partir.
Je suis sur le point de franchir la porte quand je remarque une flaque. Mince ! Mon chat s’est soulagé devant l’entrée ! Est-ce un signe ? Devrais-je abandonner cette idée de mettre le nez dehors alors que l’hiver bat son plein ? Ou est-ce simplement mon chat qui me fait une offrande pour me souhaiter bonne chance. J’éponge le cadeau du félin, je nettoierai après. Allez ciao l’ami à moustaches .
C’est parti pour dix kilomètres qui me feront découvrir les hauteurs d’Aywaille. J’avais déjà fait quelques randonnées par le passé, pousser jusqu’à vingt-cinq kilomètres sur un jour mais cette marche-ci, plus courte, a une saveur particulière car elle est censée être celle de la reconnexion. Certes, j’ai mon gps dans la poche au cas où pour m’aiguiller à travers les feuilles et sentiers mais le but de cette rando était de reprendre le contrôle de ma vie, d’accueillir la poésie du monde tel qu’il est et non tel qu’il est vu à travers le prisme d’un écran. Je me suis promis de ne faire de photos que de l’essentiel. Voire pas de photos du tout !
C’est le sourire au coin des lèvres et le cœur léger, que je bats le pavé de ce début de randonnée. Je me sens comme un condamné à mort à qui l’on vient de dire : tu peux sortir, tu es libre! Ça y est, je laisse le bitume peu à peu derrière moi et m’engage sur un chemin plus sinueux qui ne tardera pas à me révéler une implacable vérité.
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